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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/399

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mêmes, les comptes seront sévères ; si nous y ajoutons encore ces autres comptes, par quel moyen pourrons-nous nous sauver ? Gardons-nous de croire que si nous trouvons des compagnons de nos fautes, ce sera pour nous une excuse ; au contraire, ce sera pour nous un surcroît de châtiments ; le serpent a été plus châtié que la femme ; la femme, plus que l’homme ; Achab avait ravi la vigne, Jézabel a été plus sévèrement punie, parce que c’était elle qui avait ourdi cette trame perfide et scandalisé le roi.
Il en sera de même pour vous, quand vous aurez causé la perte des autres, vous subirez des châtiments plus rigoureux que ceux dont vous aurez provoqué la chute. Car ce n’est pas tant le péché qui perd, que le scandale qui précipite les autres dans les péchés. Aussi l’apôtre dit-il : « Non seulement ceux qui les font, mais aussi ceux qui approuvent ceux qui les font ». (Rom. 1,32) Aussi, quand nous voyons des pécheurs, non seulement gardons-nous de les précipiter dans le gouffre, mais sachons encore les retirer de l’abîme d’iniquité ; ne nous exposons pas à porter nous-mêmes les peines de la perdition d’autrui ; rappelons-nous sans cesse le tribunal terrible, le fleuve de feu, les liens qu’il est impossible de briser, les ténèbres où il n’y a plus une étincelle de lumière, le grincement de dents, le ver empoisonneur. Mais, direz-vous, Dieu est bon. Ainsi nous ne faisons en réalité que des phrases, et ce riche n’est pas châtié de ses froids mépris pour Lazare ? et ces vierges folles ne sont pas chassées de la chambre de l’époux ? et ceux qui ont refusé de nourrir Jésus-Christ, ne s’en vont pas dans le feu préparé pour le démon et pour ses anges ? et celui qui était revêtu de vêtements souillés ne sera pas, pieds et poings liés, livré à la mort ? et celui qui a exigé les cent deniers, n’a pas été livré aux bourreaux ? et il n’y a pas de vérité dans cette parole prononcée contre les adultères : « Leur ver rie mourra « point, leur feu ne s’éteindra point ? » (Mc. 9,43) Ce ne sont là que des paroles de menaces ? – Oui, direz-vous. Et comment, je vous en prie, osez-vous proférer un tel blasphème ; décider ainsi par vous-même ? Je puis, moi, et par ce qu’a dit le Christ, et par ce qu’il a fait, vous démontrer le contraire. Si vous ne croyez pas aux châtiments à venir, croyez du moins aux faits accomplis ; les faits accomplis, les faits qui ont paru dans leur réalité, sont plus que des menaces et des phrases. Qui donc a englouti toute la terre, du temps de Noé, qui donc a opéré ce sinistre naufrage et toute la destruction de notre race ? Qui donc ensuite a envoyé ces foudres et ces incendies sur la terre de. Sodome ? Qui donc a noyé toute l’armée d’Égypte dans la mer ? qui donc a fait périr six cent mille Israélites dans le désert ? qui donc a brûlé la faction d’Abiron (Ps. 105,17) ? qui donc a commandé à la terre d’ouvrir l’abîme qui a dévoré Coré, Dathan et ses complices ? qui donc, en un instant, sous David, a exterminé soixante-dix milliers d’hommes (2Sa. 24,15) ? Dirai-je tous ceux qui ont été frappés un à un ? Caïn livré à un supplice sans fin ? Charmen lapidé avec toute sa race (Jos. 7, 24) ? celui qui avait ramassé du bois le jour du sabbat, également lapidé (Nb. 15,36) ? ces quarante-deux enfants, sous Élisée, dévorés par les bêtes féroces, et que leur jeune âge n’a pas sauvés des rigueurs du châtiment ? (2R. 2,24)
5. Si, même après la grâce, vous tenez à voir de pareils exemples, considérez tout ce qu’ont souffert les Juifs, comment les femmes ont mangé leurs propres enfants ; les unes, les faisant cuire ; les autres usant d’autres moyens. Voyez-les livrés à une famine insupportable, à des guerres terribles et multiples, dépassant, par l’excès des douleurs, toutes les anciennes tragédies. Et c’est le Christ qui a envoyé ces malheurs ; entendez la prédiction qu’il en fait d’abord en paraboles, puis ensuite en termes clairs et exprès. Prédiction en paraboles : « Ceux qu’ils n’ont pas voulu m’avoir pour roi, qu’on les amène ici, et qu’on les tue en ma, présence ». (Lc. 19,27) La parabole de la vigne, la parabole des noces, même sens. Prédiction maintenant parfaitement claire, en termes exprès : ainsi cette menace : « Ils passeront par le fil de l’épée ; ils seront emmenés captifs dans toutes les nations ; les nations sur la terre seront dans la consternation, la mer faisant un bruit effroyable par l’agitation de ses flots, et les hommes sécheront de frayeur ». (Lc. 21,24-26) Et encore : « Car l’affliction de ce temps-là sera si grande, qu’il n’y en a point eu de pareille depuis le commencement du monde ». (Mt. 24,21) Quant à Ananie et à Saphire pour le vol de quelques pièces d’argent,