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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/419

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qu’il vient de leur faire, c’est comme s’il leur disait : Ce n’est pas parce que je vous regarde comme dépourvus de douceur, comme capables de haïr vos frères, que je vous ai exhortés à les soutenir, à ne pas laisser périr l’ouvrage de Dieu : je sais parfaitement que vous êtes pleins de charité. L’apôtre me semble marquer ici par ce mot la vertu en général. Et l’apôtre ne dit pas : Vous êtes pourvus de, mais : « Vous êtes pleins de charité ». La même force d’expressions se remarque dans ce qui suit : « Vous êtes remplis de toutes sortes « de connaissances ». Et en effet, que serait-il résulté de leur amour s’ils n’avaient pas su la manière de se conduire avec ceux qu’ils aimaient ? Aussi Paul a-t-il ajouté : « De toutes sortes de connaissances, et qu’ainsi vous pouvez vous instruire les uns les autres » ; non seulement être des disciples, mais des docteurs.
« Néanmoins je vous ai écrit ceci avec un peu de liberté (15) ». Voyez l’humilité de Paul, voyez sa prudence ; il a d’abord un discours profondément incisif ; ensuite, après avoir fait l’opération salutaire qu’il se proposait, il a recours à tous les adoucissants. Indépendamment de tout ce qu’il a dit, il suffisait d’avouer qu’il avait parlé avec une certaine liberté, cette confession devait adoucir l’esprit des fidèles. C’est la conduite que tient l’apôtre en écrivant aux Hébreux : « Nous avons une meilleure opinion de vous et de votre salut, mes chers frères, quoique nous parlions de cette sorte » (Héb. 6,9) ; même langage aux Corinthiens : « Je vous loue, mes frères, de ce que vous vous souvenez de moi en toutes choses, et que vous gardez les traditions et les règles que je vous ai données ». (1Cor. 11,9) Il écrivait aux Galates : « J’ai la confiance que vous n’aurez point d’autres sentiments que les miens ». (Gal. 5,10) Partout, dans ses lettres, vous verrez la répétition fréquente de cette pensée, mais mille part plus fréquente qu’ici. Car les Romains étaient les plus relevés dans l’estime des peuples, et il était nécessaire de réprimer leur orgueil, non seulement en leur parlant avec fermeté, mais aussi en les caressant. L’apôtre arrive à son but par des moyens différents. Voilà pourquoi il dit dans ce passage : « Je vous ai écrit ceci avec liberté » ; remarquez, cette expression ne lui aurait pas suffi ; il dit « avec un peu de liberté », c’est-à-dire, avec une liberté douce. Et il ne s’arrête pas là ; mais que dit-il ? « Comme pour vous faire ressouvenir ». Il ne dit pas : Pour vous apprendre ; il ire dit pas non plus : Vous rappelant, mais : « Vous faisant ressouvenir », c’est-à-dire, vous rappelant tout doucement. Voyez-vous comme la fin de la lettre et le commencement se répondent ? De même qu’il disait, en commençant : « On parle de votre foi dans tout le monde », de même à la fin de la lettre : « Votre obéissance est connue de tous ». Et comme il disait au début. « J’ai grand désir de vous voir, pour vous faire part de quelque grâce spirituelle, afin de vous fortifier » (Rom. 1,8, 11) ; c’est-à-dire, pour notre mutuelle consolation ; de même ici, « comme pour vous faire ressouvenir », dit-il. Il descend de temps à autre de la chaire du maître, et il leur parle comme à des frères, à des amis, à des égaux ; il entend fort bien ce qui est le premier talent d’un maître, et qui consiste à varier son discours pour l’utilité des auditeurs.
Voyez donc comme, après avoir dit ; « Je vous ai écrit ceci », non avec liberté, mais avec un peu de liberté », et, « comme pour vous faire ressouvenir », il ne s’en tient pas encore à cette modestie de louange, mais il ajoute avec plus d’humilité encore : « Selon la grâce que Dieu m’a donnée » : c’est aussi ce qu’il disait, en commençant : « Je suis débiteur ». Ce qui veut dire : je n’ai pas ravi cet honneur pour me l’arroger, je ne m’en suis pas emparé moi-même, c’est Dieu qui m’a donné cet ordre, et en cela il m’a fait une grâce dont je n’étais pas digne. Donc ne vous irritez pas ; ce n’est pas moi qui m’élève contre vous, c’est Dieu qui commande. Et, de même qu’il dit au commencement, Dieu « que je sers dans l’Évangile de son Fils » ; de même ici après avoir dit : « Selon la grâce que Dieu m’a donnée », il ajoute : « d’être le ministre de Jésus-Christ parmi les gentils, en exerçant la sacrificature de l’Évangile de Dieu (16) ». Après un grand nombre de preuves à l’appui de ses réflexions précédentes, il passe à un sujet plus grave, il ne parle plus du culte seulement, comme au début, mais de la liturgie et du saint ministère : mon sacerdoce à moi, c’est la proclamation, c’est la prédication de l’Évangile, voilà le sacrifice que j’offre. Jamais on n’a fait un reproche au prêtre de prendre soin que son offrande soit pure. Voilà ce que disait Paul, pour donner des ailes à leurs