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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/426

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Et considérez la grandeur des expressions qu’il emploie ; il ne dit pas : Je m’en vais, emportant des aumônes, mais : « Pour servir aux saints quelques aumônes ». Si Paul se faisait serviteur de l’aumône, considérez la grandeur de cette vertu, voyez le maître, le docteur de toutes les nations, qui veut bien transporter des aumônes, qui, au moment d’aller à Rome, quel que soit son désir de voir les Romains, fait passer ce service avant son plaisir. « Car la Macédoine et l’Achaïe ont résolu affectueusement », c’est-à-dire, ont trouvé bon, ont éprouvé le désir « de faire quelque part… » Il ne dit pas de faire quelque aumône, mais « de faire quelque part… » Ce « quelque » n’est pas mis là sans intention ; l’apôtre ne veut pas avoir l’air de les censurer. Et il ne dit pas simplement : Aux pauvres ; mais : « À ceux d’entre les saints qui sont pauvres » ; deux titres de recommandation, la vertu et la pauvreté. Maintenant, ce n’est pas encore assez, il ajoute : « Ils leur sont redevables ». Ensuite, Paul fait voir comment redevables. « Car, si les gentils ont participé », dit-il, « aux richesses spirituelles des Juifs, ils doivent aussi, dans les biens temporels leur servir leur part ». Voilà ce qu’il veut dire C’est pour les Juifs que le Christ est venu, c’est aux Juifs que toutes les promesses ont été faites, c’est d’eux qu’est sorti le Christ ; aussi disait-il : « C’est des Juifs que vient le salut » (Jn. 4,22), c’est d’eux que sortent les apôtres, c’est d’eux que sortent les prophètes, c’est d’eux que sortent tous les biens. La terre a donc partagé avec eux toutes ces richesses. Donc, si vous avez participé aux biens les plus considérables, dit-il, si vous avez pris votre part des festins préparés pour eux, selon la parabole de l’Évangile, vous devez aussi leur communiquer les biens temporels, et leur réserver aussi une part de ces biens. Et il ne dit pas leur faire leur part, mais « leur servir » ; il en fait des diacres, il en fait des tributaires s’acquittant envers des rois. Et il ne dit pas Dans vos biens temporels, comme il a dit dans leurs richesses spirituelles ; car les richesses spirituelles appartenaient réellement aux Juifs, tandis que les biens temporels n’appartiennent pas seulement aux gentils ; la possession en est commune à tous : en effet l’ordre de Dieu c’est que les richesses soient pour tous, et non seulement pour ceux qui les tiennent en leur pouvoir.
« Lors donc que je me serai acquitté de ce devoir, et que je leur aurai consigné ce fruit (28) », c’est-à-dire, que je l’aurai déposé comme on verse une somme dans les coffres du souverain, comme on met une somme à l’abri des coups de main, dans un lieu sûr ; et il ne dit pas : L’aumône, mais, voyez, encore : « Ce fruit », afin de montrer le profit que font par là ceux qui le donnent : « Je passerai par chez vous pour aller en Espagne ». S’il parle ici de l’Espagne, c’est pour montrer l’empressement de son zèle ardent pour les Espagnols. « Or je sais que mon arrivée auprès de vous sera accompagnée d’une abondante bénédiction de l’Évangile de Jésus-Christ ». Qu’est-ce à dire « d’une abondante bénédiction ? (29) ». Ou il parle d’argent versé en aumônes, ou il n’entend parler simplement que de toutes les bonnes œuvres. L’habitude de l’apôtre est d’exprimer souvent l’aumône par le mot de bénédiction ; exemple que ce soit un don « de la bénédiction, et non de l’avarice ». (2Cor. 9,5) C’était anciennement le terme usité pour dire l’aumône. Mais comme il ajoute : « De l’Évangile », nous croyons qu’il n’entend pas ici parler uniquement d’argent, mais, en même temps, de tous les autres biens, comme s’il disait : Je sais qu’en arrivant je vous verrai riches de tous les biens, parés de toutes les vertus, dignes de louanges sans nombre selon l’Évangile. Et c’est une admirable manière de conseiller que de débuter avec eux par des éloges anticipés. Ne voulant pas user à leur égard d’une exhortation directe, il a recours à ce moyeu insinuant pour les avertir : « Je vous conjure donc, par Notre Seigneur Jésus-Christ, et par la charité du Saint-Esprit (30) ».
2. Ici maintenant, il met en avant le Christ et le Saint-Esprit, sans faire aucune mention du Père. Ce que je vous fais observer, afin que quand vous le verrez nommer le Père et le Fils, ou le Père seulement, vous ne vous imaginiez pas qu’il exclut ni le Fils, ni l’Esprit. Et il ne dit pas : Par le Saint-Esprit, mais : « Par la charité du Saint-Esprit ». Car de même que le Christ, de même que le Père a aimé le monde, ainsi fait le Saint-Esprit. Mais de quoi nous conjurez-vous, répondez ? « De combattre avec moi par les prières que vous ferez à Dieu pour moi, afin que je sois délivré des incrédules qui sont en Judée (31) ». Il avait donc, il faut le croire, une grande lutte à soutenir ;