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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/44

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le souvenir, de souffrir avec joie toutes les adversités, dé pardonner à ses ennemis, de ne point se venger pu lui-même ou par d’autres. Séméi l’accablait d’outrages, et fin général s’indignait de l’entendre. Mais que disait le saint roi ? « Laissez-le me maudire, c’est Dieu qui le lui commande ». (2Sa. 16,10) Il avait le cœur contrit et humilié ; et voilà ce qui surtout purifiait son âme. C’était là en effet avouer sa faute et s’en repentir. Si tout en jeûnant, nous demeurons orgueilleux, non seulement le jeûne ne nous sert de rien, mais encore il nous est nuisible. C’est pourquoi, vous aussi, soyez humbles, pour que Dieu vous attire vers lui : « Car Dieu est auprès de ceux qui ont le cœur brisé ». (Ps. 33,19) Ceux qui habitent de splendides palais, après s’être eux-mêmes déshonorés par le péché, se laissent outrager, sans résistance par les derniers de, leurs serviteurs ; ils souffrent sans se plaindre, parce qu’ils se sont eux-mêmes couverts d’infamie par leurs péchés. Agissez de même : on vous accable d’injures ; ne vous irritez point, mais poussez des gémissements, non point à cause de l’outrage que l’on vous fait, mais à cause de ce péché qui vous a plongés dans l’infamie. Gémissez sur votre péché, non pas à cause des peines que vous avez encourues ; ces peines ne sont rien ; mais parce que vous avez offensé Dieu ; un Dieu si bon, si plein d’amour pour vous, si désireux de votre salut, qui n’a pas craint d’immoler son Fils pour vous. Gémissez donc et ne cessez point de gémir ; par là, vous confesserez votre péché : Ne passez pas de la joie à la tristesse, et de la tristesse à la joie ; mais persévérez dans votre douleur et dans votre repentir : « Bienheureux ceux qui pleurent », dit l’Écriture. (Mt. 5,5) C’est-à-dire, bienheureux ceux qui ne cessent de pleurer. Pleurez donc sans cesse, veillez sur vous-mêmes, brisez votre cœur, affligez-vous comme si vous aviez perdu votre propre fils. « Déchirez vos cœurs », dit l’Écriture, « et non point vos vêtements ». (Jol. 2,3) Ce qui a été déchiré ne peut se redresser ; ce qui est broyé ne peut se relever : Aussi l’Écriture dit-elle : « Déchirez », et encore : « Dieu ne méprisera pas un cœur contrit et humilié ». (Ps. 50,19)
Vous êtes philosophe ; vous êtes riche, vous êtes puissant, n’importe ; brisez votre cœur, et ne lui permettez point de s’enfler d’orgueil et de jactance. Ce qui est déchiré ne peut s’enfler.
S’il y a lieu encore à quelque élévation, du moins le gonflement se trouve désormais impossible. Appliquez-vous donc à la modestie et à l’humilité. Rappelez-vous qu’une seule parole suffit pour justifier le publicain. Et encore n’était-ce point précisément un acte d’humilité, mais plutôt le sincère aveu de ses péchés. Or, si tel fut l’effet de cette confession, quel ne sera pas celui de l’humilité ? Pardonnez volontiers à ceux qui vous auront offensés ; vous obtiendrez ainsi la rémission de vos fautes. Quant à l’efficacité du premier sentiment, voici ce que dit l’Écriture : « Je l’ai vu s’avancer plein de tristesse, et j’ai guéri ses voies ». (Is. 57,18) C’est ce sentiment qui calma le Seigneur irrité contre Achab. Quant au pardon des injures : « Pardonnez », dit l’Écriture, « et l’on vous pardonnera ». (Lc. 6,37) Il y a encore un autre moyen d’obtenir notre pardon, c’est de condamner nous-mêmes nos crimes : « Condamnez le premier vos iniquités, pour mériter d’être justifié ». (Is. 43,26) Oui, vous effacerez vos péchés, si vous savez rendre grâces au sein des tribulations. Mais rien n’est comparable à l’aumône.
Comptez maintenant les remèdes capables de guérir vos blessures, et employez-les tour à tour ; employez l’humilité, la confession, l’oubli des injures, l’action de grâces dans les tribulations ;. assistez le prochain par votre argent, par votre zèle, par vos bons offices, et priez avec persévérance. C’est ainsi que la veuve de l’Évangile put fléchir ce juge cruel et impitoyable. Elle fléchit un juge inhumain ; à plus forte raison fléchirez-vous ce juge plein de douceur et de bonté. Outre tant de moyens que nous venons d’indiquer, il en est un autre encore, c’est de prendre la défense de ceux qui sont outragés : « Jugez en faveur de l’orphelin », dit l’Écriture, « et rendez la justice en faveur de la veuve ; venez et engageons la discussion. Et si vos péchés sont rouges comme la pourpre, ils deviendront blancs comme la neige ». (Is. 1,16-17) Serions-nous excusables, si avec tant de moyens pour nous élever au ciel, avec tant de remèdes pour guérir nos blessures, nous persévérions dans les mêmes habitudes, même après avoir reçu le baptême. Oh ! non, je vous en conjure, n’y persévérons point. Voies, qui n’êtes point tombés, ne souillez point la beauté de vos âmes ; cherchez au contraire à l’augmenter de jour en jour. Vous n’avez point commis de péchés