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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/450

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sans tache en sa présence ». Pour que ce mot « Élus » ne vous fasse pas croire que la foi suffit à elle seule, il ajoute à cela les œuvres : S’il nous a choisis, dit-il, c’est pour cela, c’est dans cette vue, que nous soyons saints et sans tache. Il a élu aussi les Juifs autrefois. Comment ? « Il a élu », est-il écrit, « ce peuple entre les nations ». (Deut. 7,6, et 14, 2) Mais si les hommes, admis à choisir, choisissent ce qu’il y a de meilleur, à plus forte raison Dieu.

Avoir été élus, c’est à la fois une marque de la bonté de Dieu et de leur mérite à eux : car certainement il ne les a choisis qu’après les avoir éprouvés. Il nous a fait saints, mais il faut rester saints. Saint est celui qui a part à la foi ; sans tache, celui dont la vie est irréprochable. Cependant la sainteté et l’innocence ne sont pas les seules choses requises : il faut encore se montrer saints et sans tache en sa présence. Il y a des hommes prétendus saints et sans tache, que les hommes jugent tels, ceux qui ressemblent à des sépulcres blanchis, ceux qui sont ; pour ainsi dire, couverts de peaux de brebis. Ce ne sont pas ceux-là que Dieu cherche, mais ceux que définit le prophète, en disant : « Et selon la pureté de mes mains ». — Quelle pureté ? Il s’agit de la sainteté qui est telle en présence de Dieu, de celle que l’œil de Dieu voit. Il a dit les bonnes œuvres ; il revient maintenant à la grâce, en ajoutant : « Dans la charité, nous ayant prédestinés ». En effet, ce n’est pas là un effet des bonnes œuvres ni de l’effort, mais de la charité ; et pas seulement de la charité, mais encore de notre vertu. Si c’était un simple effet de la charité, il faudrait que tous fussent sauvés : si c’était, au contraire, un effet de notre seule vertu, la venue du Christ et toutes les circonstances de l’incarnation seraient choses inutiles. Mais ce n’est ni l’effet de la charité seule, ni celui de notre vertu seule, c’est un effet de ces deux choses réunies. Il nous a élus : mais celui qui élit sait ce qu’il élit. « Dans la charité, nous ayant prédestinés (5) ». La vérité n’aurait sauvé personne, si la charité n’existait pas. Car, dites-moi, qu’est-ce que Paul aurait fait ou gagné, si Dieu ne l’avait appelé d’en haut, et attiré à lui par amour ? D’ailleurs, la magnificence des rétributions ne s’explique que par la charité et non par notre vertu, à nous. Avoir été vertueux, avoir cru, être venu à Dieu, cela vient de celui qui nous a appelés et aussi de nous : mais récompenser si magnifiquement ceux qui sont venus à lui, que l’ennemi devienne aussitôt fils adoptif, c’est vraiment la marque d’une ineffable charité. « Dans la charité, nous ayant prédestinés à l’adoption par Jésus-Christ en lui ». Voyez-vous comment rien sans le Christ, rien sans le Père ? L’un a prédestiné, l’autre a amené. Et il met cela pour exalter ce qui s’est passé, de même qu’il dit ailleurs : « Non-seulement cela, mais nous nous glorifions encore par Notre-Seigneur Jésus-Christ ». (Rom. 5,11) Grands sont les présents, mais ce qui les rend plus grands encore, c’est qu’ils sont dus à la médiation du Christ : Dieu n’a pas envoyé à ses serviteurs un de ses serviteurs, mais son Fils unique lui-même. « Selon le dessein de sa volonté ». C’est-à-dire, à cause de sa volonté bien arrêtée. Voilà son désir, si l’on peut ainsi parler : car partout le dessein est la volonté primitive. Il y a, en effet, une autre volonté. La volonté première est que nous ne nous perdions pas en péchant ; la volonté seconde est que ceux qui sont devenus méchants périssent : car ce n’est pas une nécessité qui les châtie, mais une volonté. On peut retrouver la même chose chez Paul lui-même, lorsqu’il dit, par exemple : « Je désire que tous les hommes soient comme moi-même » ; et ailleurs : « Je désire que les jeunes se marient, aient des enfants ». Par « Dessein », il faut donc entendre la première volonté, la volonté forte, la volonté accompagnée de désirs, la persuasion : je n’hésite pas à me servir de cette expression vulgaire, afin de rendre la chose plus claire pour les simples ; puisque, quand nous voulons marquer une volonté forte, nous employons ce terme : « Persuasion ». Le sens du texte, le voici : il désire vivement, fortement notre salut. Pourquoi donc nous aime-t-il à ce point, et quelle est la raison de cette tendresse ? C’est sa bonté seule, car la grâce procède de la bonté. De là cette expression : « Nous ayant prédestinés à l’adoption » ; le voulant d’une volonté forte, afin de faire éclater la gloire de sa grâce. « Selon le dessein de sa volonté, pour la louange de la gloire de sa grâce dont il nous a gratifiés par son bien-aimé (6) » ; pour faire éclater la gloire de sa grâce, dont il nous a gratifiés par son bien-aimé.

3. Donc, si c’est pour cela qu’il nous a gratifiés, à savoir pour la louange de la gloire de