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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/46

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frère chéri le plongea dans la douleur et l’affliction. Il veut montrer par là combien l’absence d’un frère peut être pénible ; et la douleur qu’il ressentit le força de quitter ce pays. Que signifient ces paroles : « Après être venu dans la Troade pour l’Évangile ? » Je ne suis pas allé sans motif dans ce pays, mais bien pour y annoncer la parole de Dieu. C’était là le motif qui m’y avait amené ; mon zèle trouvait une ample matière. « La porte », dit-il, « m’avait été ouverte dans le Seigneur ; je n’eus point de repos » ; mais cependant mon travail n’en fut point entravé. Pourquoi dit-il donc : « Prenant congé d’eux, je m’en allai ? ». C’est-à-dire : les angoisses et la douleur ne rue permirent point d’y prolonger mon séjour. Peut-être même l’absence de Tite était-elle un obstacle aux travaux de l’apôtre ; c’est encore là un moyen de consoler les Corinthiens. Et en effet, la porte était ouverte à saint Paul, il était venu en Troade pour y prêcher l’Évangile ; mais il n’y trouve point son frère, et aussitôt il quitte ce pays ; à plus forte raison devez-vous nous pardonner en songeant à tant d’affaires pressantes, indispensables, qui nous mènent et nous ramènent, qui nous empêchent de nous rendre là où nous voudrions, et de prolonger notre séjour comme nous le souhaiterions.
Plus haut c’était déjà l’Esprit-Saint qui dirigeait ses voyages ; maintenant c’est encore Dieu qui les détermine, car il, ajoute : « Or, je rends grâces à Dieu qui nous fait toujours triompher en Jésus-Christ, et qui répand en tout lieu par notre ministère, la bonne odeur de sa connaissance (14) ». Bien loin de verser des larmes et de se lamenter, l’apôtre rend grâces à Dieu. Or voici le sens de ses paroles. Partout l’affliction, partout les angoisses : je suis venu en Asie ; les souffrances y dépassaient mes forces. Je suis venu en Troade, je n’y ai point trouvé mon frère ; je n’ai pu venir chez vous, et j’en ai ressenti une vive tristesse, d’abord parce que beaucoup d’entre vous sont tombés dans le péché, ensuite parce queutais prisé de vous voir : « Ç’a été pour vous ménager que je ne suis pas allé à Corinthe », dit-il. Pour ne point paraître désolé, il ajoute non seulement nous ne nous plaignons point de ces tribulations, mais nous nous en réjouissons ; oui, nous nous en réjouissons non seulement à cause des biens futurs, mais encore à cause des biens présents : car tout cela donne un nouveau lustre à notre gloire. Bien loin de nous en désoler, nous triomphons au contraire, et nous nous glorifions de tout ce qui nous est arrivé. Et Lest pourquoi l’apôtre disait : « Nous rendons grâces à Dieu qui nous fait triompher » ; c’est-à-dire, qui fait briller notre gloire aux yeux de tous. Ces persécutions qui semblent être un déshonneur, nous nous regardons comme très-honorés de les subir. Aussi, ne dit-il pas seulement : Qui nous rouvre de gloire ; mais, « qui nous donne le triomphe », voulant montrer que ces persécutions lui élèvent partout de nombreux trophées contre le démon. Puis, après avoir indique le triomphateur, il fait connaître la cause du triomphe, et par là encore il relève les courages. non seulement c’est Dieu qui nous fait triompher, dit-il, mais nous triomphons en Jésus-Christ, c’est-à-dire, à cause de Jésus-Christ et de la prédication de l’Évangile. Puisqu’il s’agit d’un triomphe, et que nous portons le trophée, nous devons être en évidence, et par là-même couverts d’une gloire éclatante : « Et il manifeste en tous lieux par notre ministère la bonne odeur de sa connaissance ».
2. Tout à l’heure l’apôtre disait : « Qui nous fait triompher toujours », maintenant il dit : « en tous lieux » pour montrer que tous les temps et tous les lieux sont remplis dès travaux apostoliques. Il emploie encore une autre métaphore, celle « d’un suave parfum » ; nous sommes aperçus de, tous, comme si nous portions des parfums : c’est la connaissance de Dieu qu’il compare à un parfum de grand prix. Il ne dit pas : la connaissance, mais le « parfum de la connaissance ». Telle est en effet la connaissance que nous avons de Dieu ici-bas, une connaissance qui est loin d’être claire et sans voiles. Et c’est pourquoi, dans sa première épître, l’apôtre disait : « Nous voyons maintenant comme dans un miroir et en énigme ». (1Cor. 13,12) Ici, c’est à une odeur qu’il compare la connaissance que nous avons de Dieu. Une substance odorante, cachée quelque part, se trahit par son odeur, mais la nature de cette substance, on ne peut. La connaître uniquement par son odeur ; il faut avoir vu la substance elle-même. De même nous savons que Dieu existe, mais nous ne savons quelle est sa nature. Nous sommes donc, pour ainsi dire, un encensoir royal, et partout où nous allons, nous portons en quelque sorte un parfum céleste, une odeur spirituelle. Voilà