Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/465

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ici les hérétiques nous pressent : ils prétendent qu’il est ici question de Dieu, et dans l’intempérance effrénée de leur langage, ils appliquent à Dieu des expressions qui ne désignent que le diable. Comment leur fermer la bouche ? Au moyen du texte même : Si Dieu est juste, comme vous le reconnaissez vous-même, et qu’il ait fait cela, ce n’est plus le fait d’un être juste, mais d’un être injuste et méchant : or Dieu ne saurait jamais être méchant. Pourquoi donc appeler le diable prince de ce siècle ? Parce que presque toute la nature humaine s’est donnée à lui, et que tous le servent librement et volontairement. Le Christ qui promet des biens innombrables n’obtient nulle attention. Le diable ne promet rien de pareil, il nous pousse en enfer : et tous lui cèdent. Son empire est sur ce siècle, il compte plus de sujets que Dieu, et bien plus dociles, sauf un petit nombre, par un effet de notre relâchement : « Selon la puissance de l’esprit de l’air ». C’est-à-dire qu’il habite sous le ciel quant aux esprits de l’air, ce sont les puissances incorporelles qui dépendent de lui. Maintenant, pour vous faire entendre que sa domination est une domination du siècle, c’est-à-dire bornée à la durée du siècle présent, voici ce que Paul dit à la fin de l’épître : « Nous n’avons point à lutter contre la chair et le sang, mais contre les princes et les puissances, contre les dominateurs de ce siècle de ténèbres ». (VI, 12) Pour que cette expression : « Dominateur du monde » ne vous fasse pas croire que le diable est incréé, il ajoute : « De ce siècle de ténèbres ». Et ailleurs par « Siècle mauvais » (Gal. 2,4), il désigne un temps bouleversé, sans parler des créatures. Car il me paraît que devenu prince sous le ciel, il n’est pas déchu de son pouvoir même après la transgression.

« Qui agit efficacement à cette heure sur les fils de la défiance ». Voyez-vous que le démon ne se sert point de la violence ni de la tyrannie, mais de la persuasion pour nous gagner. Ce mot « Défiance » est employé ici pour faire entendre que la séduction et la persuasion sont mises seules en usage. Et Paul ne console pas seulement les fidèles en leur donnant un complice, mais encore en se rangeant lui-même parmi eux : « Parmi lesquels nous tous aussi nous avons vécu ». — « Tous » : on ne peut dire que quelqu’un fût excepté. « Selon nos désirs charnels, faisant la volonté de la chair et de nos pensées ; et nous étions par nature enfants de colère comme tous les autres », c’est-à-dire : « N’ayant aucune pensée spirituelle ». Mais pour que l’on ne soupçonne pas, qu’il s’exprime ainsi pour attaquer la chair et qu’on ne voie là une grande faute, voyez comme il se met sur ses gardes : « Faisant la volonté de la chair et de nos pensées » : il désigne par là les affections de la volupté. Nous avons irrité Dieu, dit-il, nous l’avons mis en colère ; en d’autres termes Nous étions colère et rien autre chose. Car de même que l’enfant d’un homme est homme de sa nature, de même nous aussi ; nous étions enfants de colère comme les autres. C’est-à-dire : Personne n’était libre, nous nous conduisions tous de manière à mériter la colère.

« Mais Dieu qui est riche en miséricorde (4) ». Il ne dit pas seulement : « Miséricordieux » mais : « Riche en miséricorde ». Comme il dit ailleurs : « Dans l’abondance de votre miséricorde », et encore : « Ayez pitié de moi selon votre grande miséricorde ». (Ps. 68,1.7, et 50, 1) — « Par le grand amour dont il nous a aimés ». Il montre l’origine de cet amour. Car ce n’est pas l’amour que nous méritions, mais la colère et le dernier châtiment… C’est donc l’effet d’une miséricorde infinie. « Et lorsque nous étions morts par les péchés, il nous a vivifiés dans le Christ (5) ». Encore la médiation du Christ, et la chose est digne de foi. En effet, si nos prémices vivent, nous vivons aussi : il a vivifié et lui et nous.

2. Voyez-vous que tout cela est dit de Jésus-Christ comme homme ? Voyez-vous la grandeur suréminente de sa vertu en nous qui croyons ? Les morts, les fils de colère, il les a vivifiés. Voyez-vous l’espérance à laquelle nous sommes appelés ? « Il nous a ressuscités et fait asseoir avec lui (6) ». Voyez-vous la gloire de l’héritage ? Oui, dira-t-on : « Il nous a ressuscités » c’est clair ; mais ceci : « Il nous a fait asseoir avec lui dans les cieux en Jésus-Christ », comment l’établir ? Comme : « Il nous a ressuscités ». Car personne n’est encore ressuscité, sinon que par la résurrection du chef, nous aussi sommes ressuscités : ainsi que Jacob ayant adoré, sa femme par là même aussi adora Joseph. C’est de la même manière que nous sommes assis : car le corps est assis lorsque la tête est assise. Voilà pourquoi Paul ajoute : En Jésus-Christ. Ou si ce n’est pas cela, s’il nous a ressuscités par le baptême,