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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/468

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Ce n’est pas cela qui nous est recommandé, bien au contraire : nous devons le dire et le répéter sans cesse, et Paul fait tous ses efforts pour cela. L’Écriture a en vue ce qui sait : Ne vous confiez pas, dit-elle, à la bonté de Dieu pour pécher, et pour dire : « Sa miséricorde pardonnera la multitude de mes péchés ».

4. En effet, si nous vous entretenons si souvent nous-mêmes de la bonté divine, ce n’est pas pour que nous y comptions au point de tout nous permettre, car alors cette bonté deviendrait le fléau de notre salut, c’est pour que nous ne désespérions pas dans nos péchés, et que nous fassions pénitence. C’est au repentir que vous pousse la bonté de Dieu, et non à des fautes nouvelles. Si la bonté divine vous déprave, vous ne faites que la compromettre aux yeux des hommes : tant on rencontre de gens qui accusent la longanimité de Dieu. Vous serez donc punis, si vous en usez autrement qu’il ne faut. Dieu est bon ? Oui, mais il est équitable dans ses jugements. Il pardonne les péchés ? Oui, mais il rend à chacun selon ses œuvres. Il passe par-dessus les iniquités, il efface les fautes ? Oui, mais il les compte. Mais n’y a-t-il pas contradiction ? Non, seulement il s’agit de distinguer les temps. Dieu efface les iniquités ici-bas par le baptême et la pénitence, il pèse là-haut nos actions avec le feu et les tortures. Mais, dira-t-on, si peu de péchés, si un seul suffit pour me faire rejeter et exclure du royaume, pourquoi ne pas m’abandonner à tous les vices ? C’est le langage d’un serviteur ingrat : néanmoins nous ne le laisserons point sans réponse. Ne faites pas le mal, dans votre propre intérêt : car si nous devons être tous également exclus du royaume, nous ne serons pas tous également punis dans la géhenne ; il y aura des degrés dans le châtiment. Si vous et lui, vous avez bravé l’un et l’autre les commandements, vous serez exclus pareillement du royaume à quelque degré que vous vous soyez rendus coupables : mais si votre témérité n’a pas été égale, si elle a été plus grande chez l’un, moindre chez l’autre, cette différence se retrouvera dans les tourments de la géhenne.

Pourquoi donc, dira-t-on, ceux qui ne font pas l’aumône sont-ils menacés de s’en aller dans le feu, et non seulement dans le feu, mais dans le feu préparé pour le diable et pour ses anges ? Pourquoi, pour quelle raison ? Parce que rien n’irrite Dieu, comme l’injustice commise envers des amis. En effet, s’il faut aimer ses ennemis, celui qui se détourne même de ceux qui l’aiment, et qui en cela se montre pire que les païens eux-mêmes, quel châtiment ne méritera-t-il point ? De sorte que c’est justement qu’un péché pareil envoie son auteur rejoindre le diable. Car il est écrit : Malheur à qui ne fait pas l’aumône ! S’il en était ainsi au temps de l’ancienne loi, à plus forte raison en est-il de même dans celui du Nouveau Testament. Si à une époque où il était permis de posséder de l’argent, d’en jouir, d’y veiller, la Providence tenait tellement à ce que les pauvres fussent assistés, à combien plus forte raison doit-il en être ainsi, depuis qu’il nous est ordonné de renoncer à tout ! Que ne faisait-on point alors ! On payait des dîmes, et de doubles dîmes : on venait en aide aux orphelins, aux veuves, aux étrangers… Et l’on vient me dire avec admiration : Un tel donne la dîme. N’est-ce pas un grand sujet de honte que ce qui n’excitait point d’admiration chez les Juifs, en cause, quand il s’agit de chrétiens ? S’il y avait danger alors à ne pas acquitter la dîme, songez quel doit être aujourd’hui le péril. L’ivrognerie également, est exclue du royaume. Mais quel est le langage de la multitude ? Eh bien ! dit-on, si un tel a le même sort que moi, ce ne sera pas pour moi une faible consolation. Que répondre à cela ? D’abord que votre châtiment ne sera pas le même, à tous deux et que d’ailleurs, il n’y a pas là de consolation. C’est une consolation que de souffrir en compagnie, quand les épreuves sont modérées : mais quand elles sont extrêmes et nous mettent hors de nous, la douleur ne nous permet plus de goûter cette consolation. Dites à celui qu’on torture et qu’on a fait monter sur le bûcher : Un tel endure le même supplice : cette consolation le trouvera insensible. Est-ce que tous les Israélites n’ont pas péri en même temps ? En quoi s’en trouvèrent-ils consolés ? et au contraire, ne fut-ce point pour eux un surcroît de douleur ? Aussi disaient-ils : Nous sommes perdus, exterminés, anéantis. Où voyez-vous une consolation ? C’est en vain que nous recourons pour nous consoler à ces suppositions. Il n’y a qu’une consolation : C’est de ne pas tomber au feu inextinguible : une fois qu’on y est, plus de consolation : partout les grincements de dents, les pleurs, le ver qui ne meurt point, le feu inextinguible. Sentirez-vous, je vous le demande,