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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/478

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c’est sans motif ». Et vous les voyez tous appliqués à faire le bien. Voilà pourquoi la grâce agissait alors, pourquoi ils vivaient dans les bonnes œuvres. Écoutez encore ce qu’il écrit aux Corinthiens, auxquels il adresse mille reproches : ne leur rend-il pas également témoignage en disant : « Mais votre zèle, mais votre désir ? » (2Co. 7,11) Tous les témoignages qu’il leur rend à ce sujet, on ne trouverait plus aujourd’hui lieu de les appliquer, même aux maîtres : de sorte que tout a fui, tout est perdu. La raison en est dans le refroidissement de la charité, dans ce que les pécheurs ne sont plus châtiés (« Reprends les pécheurs devant tous », écrit Paul à Timothée), dans la corruption des chefs : car, dès que la tête n’est point saine, comment le reste du corps demeurerait-il en bonne santé ? Voyez l’étrange renversement ! Ceux à qui une vie pure pourrait donner plus de confiance, ont gagné le sommet des montagnes ; ils se sont éloignés de la ville comme d’un pays ennemi, ils se sont arrachés à leur propre corps comme s’il leur était étranger. Au contraire, des hommes pervers, souillés de tous les vices, se sont jetés sur les Églises : les dignités sont devenues vénales. De là, des maux infinis. Personne ne réprime les abus, personne ne punit les coupables, mais on a mis un certain ordre dans le désir. Quelqu’un a-t-il péché, est-il accusé, il ne cherche pas à établir son innocence, mais à trouver des complices de son crime. Et pourtant il y a un enfer ! Croyez-moi, si Dieu n’avait réservé ses vengeances à la vie future, vous verriez tous les jours au milieu de nous des châtiments plus tragiques que toutes les calamités qui ont écrasé la nation juive. Que personne ne se fâche, je ne désigne personne. Si quelqu’un avait reçu le don de lire clairement dans la vie des autres, et qu’entré dans l’église, il eût à se prononcer sur ceux qui la remplissent en ce moment avec vous ; que dis-je, en ce moment ? sur tous ceux qui, le jour de Pâques, reçoivent le baptême, il y trouverait des crimes plus grands que ceux des Juifs ; des gens qui croient aux augures, aux charmes, aux sortilèges, qui emploient les maléfices, des fornicateurs, des adultères, des ivrognes, des médisants. Je passe sous silence les spoliateurs, de peur de blesser quelqu’un ici. Si l’homme dont je parle scrutait les cœurs de tous ceux qui approchent de nos autels dans le monde entier, quelles horreurs ne verrait-il pas ? Et, pour ne parler que des chefs, il les trouverait avides de gain, trafiquant des charges publiques, jaloux ; vaniteux, fourbes, esclaves de leur ventre ou de l’argent.

L’impiété étant si grande, quels châtiments n’avons-nous pas à redouter ? Pour vous faire une idée de la terrible punition encourue par ces pécheurs, rappelez-vous l’Ancien Testament : un soldat vola une propriété sacrée, et tous périrent ; vous savez l’histoire ? Je parle de ce Charmi qui déroba l’anathème. Alors, dit le prophète : Leur pays fut rempli d’augures, comme celui des étrangers. (Isa. 2,6) Maintenant les maux abondent, et nul ne s’en effraie. Tremblons : car Dieu confond les justes mêmes dans le châtiment des impies, comme il est arrivé pour Daniel, pour les trois enfants, pour des milliers d’autres, comme il arrive encore dans les guerres présentes. Car les uns se déchargent par là de tous leurs péchés, les autres en demeurent chargés. Pour tous ces motifs, veillons sur nous-mêmes. Ne voyez-vous pas la guerre multiplier ses ravages ? N’entendez-vous pas le cri des malheurs publics ? N’est-ce pas assez pour vous instruire ? Des cités, des nations entières disparaissent du monde ; des milliers d’hommes libres sont esclaves chez les barbares. Si ce n’est la crainte de l’enfer, que ces cruels fléaux, du moins, nous avertissent et nous corrigent. Sont-ce de pures menaces ? ne sont-ce pas des faits réels ? D’autres ont été gravement punis ; nous le serons plus qu’eux, nous à qui leurs malheurs n’ont pas servi de leçon… Ce langage est importun, je le sais : mais il est utile, si l’on sait y faire attention… Nos discours ne sont pas faits pour plaire, mais pour faire rentrer l’âme en elle-même, et lui inspirer la sagesse. Car c’est ainsi qu’on obtient les biens éternels : auxquels puissions-nous tous parvenir par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, en qui la gloire, l’empire, l’honneur appartiennent au Père et en même temps au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.