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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/48

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posséder, saint Paul se glorifie de ne pas l’avoir ; et c’est pourquoi il dit : « Et qui est capable de ces choses ? » Si nous n’en sommes point capables, elles sont donc l’œuvre de la grâce : « Car nous ne ressemblons pas à tant d’autres qui corrompent la parole de Dieu (17) ».
3. Oui, nous avons dit de grandes choses ; mais nous avons protesté que tous ces succès ne nous appartiennent pas, qu’ils appartiennent à Jésus-Christ. Nous ne voulons pas imiter les faux apôtres qui revendiquent pour eux toute la gloire. N’est-ce pas un trafic honteux, que de mêler l’eau au vin, que de vendre à prix d’argent, ce que l’on doit donner gratuitement ? Saint Paul se raille ici de leur amour pour les richesses ; il veut aussi faire comprendre qu’ils, mêlent leurs propres intérêts aux intérêts de Dieu. Isaïe adressait dé son temps le même reproche : « Tes cabaretiers mêlent l’eau avec le vin ». Sans doute le prophète parle de vin ; mais ce n’est point se tromper pourtant que d’entendre ces peuples de l’enseignement de la vérité. Pour nous, dit l’apôtre, nous n’agissons point de la sorte. Mais tout ce que l’on nous a confié, nous le distribuons, et nous offrons toujours une doctrine sans mélange. C’est pourquoi il ajoute : « Nous parlons avec sincérité, comme au nom de Dieu, en présence de Dieu et dans le Christ ». Ce n’est point pour vous tromper que nous prêchons, ni pour vous flatter, ni pour vous faire admettre nos propres idées mêlées à celles du Seigneur ; mais nous vous prêchons au nom de Dieu, c’est-à-dire, nous ne vous disons point que nous vous enseignons notre propre doctrine, mais que tout nous vient de Dieu. Tel est le sens de cette parole : « Au nom de Dieu ». Nous ne nous glorifions point comme si nous avions quelque chose en propre ; mais c’est à liai que nous renvoyons toute la gloire : « Nous parlons dans le Christ », inspirés non par notre propre sagesse, mais par sa puissance. Quand on se glorifie, parle-t-on de la sorte ? Non, mais on s’attribue tout à soi-même. Ce sont encore les faux apôtres qu’il attaque ailleurs en ces termes : « Qu’avez-vous que vous n’ayez reçu ? et si vous l’avez reçu, pourquoi vous en glorifier, comme si vous ne l’aviez pas reçu ? »
La plus grande de toutes les vertus, c’est de tout attribuer à Dieu, de ne rien s’attribuer à soi-même, de ne rien faire en vue de la gloire humaine, mais de faire toutes choses pour se conformer à la volonté de Dieu. Car c’est lui qui nous demandera compte des actions de nôtre vie. Eh bien ! L’ordre n’est-il point renversé ? Celui qui sera assis sur son tribunal, qui nous demandera compte de notre vie, le craignons-nous ? Et ne tremblons-nous pas au contraire devant ceux qui se tiendront devant lui pour être jugés avec nous ? Quelle étrange maladie ! Comment se fait-il qu’elle ait envahi nos âmes ? C’est que nous ne songeons pas assez à la vie future, et que nous demeurons trop attachés aux biens présents. Et c’est pourquoi nous tombons si facilement dans des actions coupables, et, si nous faisons quelque bien, c’est par ostentation que nous le faisons, en Sorte que ce bien même nous devient funeste. Cet homme a jeté des regards immodestes sur une femme ; celte-ci ne s’en est peint aperçue non plus que les autres ; mais l’œil vigilant du Seigneur l’a remarqué. Oui, cet œil a pénétré, même avant que la faute eût été commise, cette âme impudique, cette passion intérieure, ces pensées qui s’agitaient comme une tempête furieuse. A-t-il besoin de témoins et de preuves, celui à qui toutes choses sont connues ? Ne considérez donc point les compagnons de votre misère : l’homme aura beau vous louer, si Dieu ne vous accueille favorablement ; et c’est en vain que l’homme vous condamnera ; vous ne souffrirez point de cette condamnation, si Dieu lui-même ne vous condamne point. Prenez garde, vous irriterez votre juge, si vous tenez compte de vos compagnons, si vous ne montrez ni crainte ni effroi devant son visage indigné.
Méprisons donc cette gloire qui vient des hommes. Jusques à quand travaillerons-nous à nous avilir et à nous dégrader ? Dieu veut nous élever au ciel ; jusques à quand persisterons-nous à ramper sur la terre ? Si les frères de Joseph avaient eu la Crainte de Dieu devant les yeux, ils ne se seraient pas emparés de lui dans le désert pour le faire mourir. Et Caïn,.s’il eût redouté le jugement de Dieu, aurait-il dit à Abel : « Viens, et sortons dans la campagne ». Quoi donc, ô lâche, ô misérable, tu l’entraînes loin de son père et tu l’emmènes dans la campagne ! Mais au milieu des champs, Dieu ne verra-t-il point ton crime ? Ce qui est arrivé à ton père n’a-t-il pu t’apprendre que Dieu sait tout et qu’