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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/49

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il assiste à toutes tes actions ? Pourquoi, lorsque Caïn niait son crime, Dieu ne lui dit-il pas : Peux-tu m’échapper à moi qui suis présent partout et qui connais ce qu’il y a de plus secret ? C’est que le coupable ne pouvait comprendre ce langage. Que lui dit-il donc ? « La voix du sang de ton frère crie vers moi ». Ce n’est pas que le sang ait une voix, mais Dieu parle, comme nous parlons de toute chose évidente et manifeste : Cette chose crie, disons-nous. Il faut donc avoir sans cesse devant, les yeux le jugement de Dieu ; et bientôt le mal aura disparu. Nous pouvons avoir la même attention dans nos prières, si nous songeons quel est celui auquel nous notes adressons, si nous nous rappelons que nous offrons un sacrifice, que nous portons dans nos mains le glaive, le feu, le bois ; si par la pensée nous ouvrons les portes du ciel, si nous nous y transportons, si ce glaive de l’esprit nous l’enfonçons dans la gorge de la victime, si nous offrons à (Esprit-Saint notre vigilance, si nous répandons des larmes. Les larmes, voilà le sang de la victime : ce sont elles qu’il faut faire fouler sur l’autel du sacrifice. Ne souffrez pas qu’en ce moment aucune pensée humaine occupe votre âme.
4. Rappelez – vous qu’Abraham, lorsqu’il offrit son sacrifice, n’admit en sa présence ni son épouse, ni son serviteur, ni personne autre. Vous non plus, ne souffrez pas qu’aucune passion servile, indigne des enfants de Dieu vienne occuper votre cœur ; allez tout seul sur la montagne que gravit Abraham, sans permettre à personne de la gravir avec lui. Que si des pensées humaines veulent monter avec vous, commandez-leur avec autorité ; dites-leur : Restez ici ; mon fils et moi nous reviendrons, après avoir adoré. Laissez donc au pied de la montagne l’ânesse, les serviteurs, tout ce qui est dépourvu de siens et de pensées. Prenez avec vous ce qui est doué d’intelligence et montez, comme Abraham monta avec Isaac. Comme le patriarche, élevez un autel ; dépouillez-vous de toute humaine pensée, élevez-vous au-dessus de la nature. Eût-il immolé son fils, s’il ne se fût lui-même élevé au-dessus de la nature ? Que rien ne vienne vous troubler dans votre oraison ; élevez-vous au-dessus du ciel même ; poussez d’amers gémissements ; offrez à Dieu, comme un sacrifice, la confession de vos fautes : « Commencez par confesser, vos iniquités, afin d’être par là justifié ». Offrez-lui la contrition de votre~cœur. Voilà des victimes qui ne sont pas réduites en cendres, qui ne se dissipent pas en fume, pour lesquelles vous n’avez besoin ni de bois ni de feu, mais seulement d’une âme remplie de componction c’est le bois, c’est le feu qui brûle ces victimes, sans les consumer. Celui qui prie avec ferveur, est brûlé, mais il n’est point consumé ; son éclat redouble comme celui de l’or que le feu vient d’éprouver.
Gardez-vous encore de prononcer aucune parole capable d’irriter le Seigneur, et ne l’invoquez point non plus contre vos ennemis. Si c’est déjà une honte d’avoir des ennemis, songez quel mal ce serait de prier contre eux ! Loin de vous excuser d’avoir des ennemis, vous iriez encore les accuser devant Dieu Et comment obtiendrez-vous votre pardon, si vous les accusez au moment même où vous implorez miséricorde pour Vous ? N’est-ce pas en effet le pardon de vos péchés que vous sollicitez dans votre prière : ne vous souvenez donc, pas des péchés d’autrui ; autrement vous réveilleriez le souvenir des vôtres. Si vous dites : frappez mon ennemi ; vous vous fermez la bouche, vous enlevez toute liberté à votre languie, N’excitez-vous pas en effet dès le commencement la colère du Seigneur ; et ensuite ne demandez-vous pas précisément le contraire de ce qu’il faudrait demander ? Si en effet vous priez pour obtenir la rémission de vos péchés, comment se fait-il qu’en même temps vous, sollicitiez la punition des autres ? C’est le contraire que vous deviez faire : il fallait prier polir vos ennemis, afin de pouvoir aussi prier avec confiance pour vous-mêmes. Vous prévenez la sentence du juge par votre propre sentence, puisque vous déclarez les pécheurs dignes d’une punition : comment seriez-vous encore excusables ? Priez pour eux, et alors vous n’avez pas même besoin de dire un mot de vos propres fautes : tout est fait. Rappelez-vous combien la Loi prescrivait de sacrifices : le sacrifice de louange, le sacrifice de la confession, le sacrifice dû salut, le sacrifice d’expiation et tant d’autres ; mais je ne vois pas qu’elle en prescrive aucun contre les ennemis, tous au contraire ont pour objet nos propres péchés ou nos bonnes œuvres.
Quel Dieu priez-vous donc ? N’est-ce pas celui qui a dit : « Priez pour vos ennemis ? » (Mat. 5,44)