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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/485

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plus riches parures d’or. Quand on n’aurait d’ailleurs aucune rémunération à attendre, n’est-ce pas une récompense suffisante et très grande, de souffrir beaucoup pour celui qu’on aime ? Ils me comprennent sans effort, ceux dont le cœur est plein d’une affection profonde, sinon pour Dieu, au moins pour la créature. Ne leur est-il pas plus doux de s’immoler pour l’objet aimé que d’en recevoir les hommages ? Mais il faut appartenir au chœur des saints apôtres pour avoir l’intelligence de cela. Entendez ce que raconte Saint Luc : « Ils sortaient du sanhédrin, pleins de joie, parce qu’ils avaient été jugés dignes de souffrir un affront pour le nom de Jésus-Christ ». (Act. 5,41) Que d’autres nous regardent comme ridicules, quand nous disons que c’est une gloire d’être outragé, une joie d’être couvert d’opprobre ; ceux qui soupirent après Jésus-Christ regardent cela comme très-heureux. Si l’on me donnait à opter entre le ciel tout entier et la chaîne de saint Paul, je préférerais cette chaîne. J’aimerais mieux être en prison avec saint Paul, que d’être au ciel avec les anges. Si j’avais à me déterminer entre l’honneur de vivre au milieu des trônes et des puissances célestes, et celui d’être enchaîné avec saint Paul, je demanderais à être enchaîné, et j’aurais raison. Nul bonheur, en effet, ne vaut une telle captivité. Je voudrais être dans ces lieux où l’on garde encore, dit-on, ces fers qui ont pressé les mains de l’apôtre ; je voudrais les voir, et admirer ces hommes enflammés de l’amour du Christ ; je voudrais voir ces chaînes que les démons redoutent, que les anges révèrent. Rien n’est doux comme de souffrir pour Jésus-Christ. Ce que j’envie, ce que j’admire dans saint Paul, c’est moins son ravissement au paradis que son cachot, moins les mystères qui lui furent révélés, que ses chaînes et ses souffrances. Et lui-même ; il pensait ainsi ; car il ne dit pas : Je vous prie, moi, à qui Dieu « A fait entendre des paroles que l’homme ne saurait redire », mais : « Moi qui suis dans les chaînes pour le Seigneur ».

2. Que s’il ne redit pas la même chose dans toutes ses épîtres, c’est qu’il n’était pas toujours prisonnier. Oui, j’aime mieux souffrir pour Jésus-Christ, que d’être glorifié par Jésus-Christ. Souffrir pour Jésus-Christ, c’est un honneur immense, c’est une gloire qui surpasse tout. Si Jésus lui-même, devenu esclave pour moi, et dépouillé volontairement de sa gloire, ne se trouva jamais glorieux comme au jour où il fut crucifié pour moi, que ne dois-je pas souffrir moi-même ? Écoutez plutôt ses propres paroles : « Glorifiez-moi, mon Père ». Que dites-vous ? On vous conduit à la croix avec des brigands et des voleurs sacrilèges ; vous allez subir le supplice des scélérats, être en butte aux crachats, aux soufflets, et vous appelez cela de la gloire ? Oui, répond-il : car je souffre pour ceux que j’aime, et c’est là que je mets ma gloire. Si Jésus, dans son amour pour des malheureux, des misérables, mettait sa gloire en cela, et non à siéger sur le trône paternel, s’il trouvait sa gloire, non dans la gloire même, mais dans les humiliations, et en faisait l’objet de sa préférence, à plus forte raison dois-je, moi, mettre là ma gloire. O heureuses chaînes ! Heureuses mains que ces chaînes ont décorées ! Les mains de saint Paul, quand elles guérissaient, en le touchant, le perclus de Listres, étaient moins digues de vénération que serrées et meurtries de fers. Si j’avais vécu au temps de l’apôtre, j’aurais aimé à les embrasser, à les approcher de mes yeux, à les couvrir de baisers, ces mains jugées dignes d’être enchaînées pour le Seigneur. Vous vous étonnez qu’une vipère attachée à la main de Saint Paul ne lui fit aucun mal ? La bête venimeuse respectait les chaînes qui enveloppaient cette main : la mer aussi révérait en elle la captivité passée de l’apôtre. Le pouvoir de ressusciter les morts me fût-il donné, je l’estimerais moins que celui de porter ces fers. Et maintenant, si j’étais affranchi des sollicitudes du saint ministère, si j’avais une santé plus valide, rien ne m’empêcherait d’entreprendre un long voyage pour voir les chaînes de saint Paul, pour visiter la prison où il fut captif. Bien qu’en plusieurs endroits il y ait des monuments de ses grandes actions, je ne trouve rien de si aimable que les stigmates de ses souffrances ; et, dans les saintes Écritures, il me plaît moins quand il opère des miracles que lorsqu’il est maltraité, battu de verges, emprisonné. Sans doute, ils sont merveilleux, ces suaires, ces tabliers qui font des prodiges après l’avoir revêtu ; mais voici qui est plus merveilleux encore. « Après l’avoir meurtri et l’avoir chargé de coups, ils le jetèrent dans un cachot », et encore : « Enchaînés, ils louaient Dieu », enfin : « Après l’avoir lapidé,