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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/492

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des milliers de personnes ; pour toute arme, n’ayant qu’une simple chaîne.

Mais on ne peut plus aujourd’hui se faire enchaîner. On le peut d’une autre manière, pour peu qu’on le veuille. Comment cela ? Il suffit de commander à ses mains de ne point s’abandonner à la convoitise. C’est de cette chaîne qu’il faut nous lier nous-mêmes : que la crainte de Dieu nous tienne lieu de fers. Délions ceux qui sont enchaînés par la pauvreté, par la tribulation. Ouvrir les portes d’une prison, c’est moins méritoire que de mettre en liberté une âme captive ; ôter à des prisonniers leurs liens, c’est moins que de délivrer ceux qui souffrent. Dans le premier cas, il n’y a point de récompense promise ; dans le second, il y en a d’innombrables. Longue est la chaîne de Paul, car elle a pu nous envelopper tous ; oui, longue, et plus magnifique que la première venue des chaînes d’or. Elle attire au ciel, comme au moyen d’une machine, ceux qui en sont enlacés ; comme une chaîne d’or suspendue, elle nous élève jusque dans les cieux ; et ce qu’il y a de merveilleux, c’est qu’elle attire en haut ceux qu’elle enlace ici-bas. Cela répugne à la nature. Mais ne cherchez pas à retrouver l’ordre de la nature dans les événements que Dieu conduit : tout y surpasse l’ordre naturel. Apprenons à ne pas nous décourager, à ne pas nous irriter dans les tribulations. Voyez ce bienheureux : il avait été flagellé, et flagellé cruellement : « Leur ayant donné nombre de coups », est-il écrit. Il avait été enchaîné, et enchaîné avec rigueur : car on l’avait jeté dans la partie la plus reculée du cachot, et mis sous bonne garde. Eh bien ! au milieu de toutes ces épreuves, au fort de la nuit, quand les plus éveillés succombent au sommeil, comme au poids d’une chaîne plus lourde encore, ces hommes chantaient, louaient le Seigneur. Quel bronze ne paraîtrait faible auprès d’âmes pareilles ! Ils songeaient aux trois enfants qui, eux aussi, chantaient dans le feu de la fournaise : peut-être se disaient-ils Jamais nous n’avons été soumis à une aussi rude épreuve. Mais sachons gré au discours de nous avoir amenés devant ces autres chaînes et cet autre cachot.

8. Que faire ? Je voudrais me taire, et cela m’est impossible. Me voici en présence d’une autre captivité encore bien plus merveilleuse et plus étonnante. Veuillez m’écouter, comme si je commençais à parler, et me prêter une attention toute fraîche. Je voudrais couper court et le sujet m’en empêche. Quoi qu’on vienne dire à un buveur, on ne lui persuadera pas de déposer la coupe qu’il porte à ses lèvres : et moi, à présent que j’ai saisi cette coupe miraculeuse des captivités souffertes pour le Christ, je ne puis m’arrêter, je ne puis me taire. Si Paul lui-même ne se tut point quand il était en prison, quand il faisait nuit, et pas même quand on le flagellait, irai-je me taire, moi, quand il est jour, que je suis tranquillement assis, que je parle tout à mon aise, au rebours de ces prisonniers, de ces flagellés, que la nuit même ne pouvait réduire au silence ?

Les enfants ne se taisaient point dans le feu de la fournaise : et nous ne rougirions pas de nous taire ? Considérons donc encore cette nouvelle captivité. Paul aussi était lié ; mais dès le principe il avait été signifié qu’il n’était pas destiné au feu, mais à la prison. Car à quoi bon lier des hommes qui doivent être brûlés ? Les trois enfants avaient les pieds et les mains liés, ainsi que Paul ; leur bourreau n’avait pas moins de fureur. En effet, si l’autre fit jeter Paul au fond de la prison, celui-ci fit chauffer fortement la fournaise. Mais voyons ce qui suivit. Nos chrétiens louaient Dieu : leur prison fut ébranlée, et les portes s’ouvrirent. Les enfants louaient Dieu : les chaînes tombèrent de leurs pieds et de leurs mains ; leur prison s’ouvrit, les portes de la fournaise cédèrent car la rosée de l’Esprit y pénétrait. Mais je me sens déborder. Je ne sais par où commencer, par quoi continuer. Je vous prie donc de n’exiger de moi aucun ordre : tout ici se tient. Ceux qui étaient avec Paul et Silas furent déliés, bien qu’endormis. Ici, ce fut autre chose qui arriva : ceux qui avaient jeté les enfants dans la fournaise furent brûlés. Mais voici ce que je voulais dire. Le roi vit les enfants délivrés, et il tomba à leurs pieds ; il les entendit chanter, il vit quatre personnes marcher, et il les appela. Ainsi que Paul n’avait pas voulu sortir, bien qu’il le pût, jusqu’à ce qu’il eût été mandé et mis en liberté par celui qui l’avait jeté en prison, les trois enfants ne sortirent pas non plus, avant qu’ils en eussent reçu l’ordre de celui qui les avait condamnés. Quel enseignement lirons-nous de la ? De ne pas nous hâter dans les supplices, de ne pas nous presser dans les tribulations, et de n’y pas rester non plus, quand on nous en délivre. Le roi donc