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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/503

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gloire ; nous ne pouvons plus réprimander nos subordonnés, atteints que nous sommes de la même maladie : nous-mêmes, nous avons besoin de remèdes, nous que Dieu a chargés de guérir les autres. Quel espoir de salut reste-t-il encore, quand les médecins eux-mêmes ont besoin des soins d’autrui ? Ce ne sont pas ici de vaines plaintes, ni des paroles en l’air : mon but est que nous tous, hommes, femmes, enfants, nous répandions de la cendre sur nos têtes, revêtions le cilice, jeûnions sans relâche, et que nous priions Dieu de nous tendre la main et d’éteindre l’incendie. Car nous en avons bien besoin de cette main puissante, de cette main miraculeuse. De notre côté, il faut que notre pénitence surpasse celle des Ninivites… « Encore trois jours et Ninive sera détruite ». (Jon. 3,4) Terrible annonce, formidable menace ! Quelle attente que de se voir ensevelis au bout de trois jours sous les ruines de sa patrie, et enveloppés tous dans le même châtiment. Si la mort de deux enfants arrivant à la fois dans une maison paraît un malheur intolérable, si de tous les maux de Job aucun ne lui parut plus insupportable que cette chute d’un toit qui lui ravit d’un même coup tous ses enfants : que devait-ce être de se représenter, non pas une famille ni deux enfants, mais un peuple de cent vingt mille âmes écrasé sous les ruines de sa ville ? Vous comprenez l’horreur d’un tel désastre : il n’y a pas si longtemps que nous avons entendu, non les menaces d’un prophète (nous ne sommes pas dignes d’entendre une voix si sainte), mais d’autres menaces qui nous venaient du ciel avec un bruit plus retentissant que le son de la trompette. « Encore trois jours et Ninive sera détruite ». Épouvantable menace ! Mais rien de pareil aujourd’hui. Il n’est plus question de trois jours, ni de la prochaine destruction de Ninive voilà bien des jours que l’Église universelle est abattue et gît sur le sol : tous sont également en proie au mal, et les chefs mêmes n’en sont pas exempts ; et cette infirmité des membres les plus indispensables est ce qui redouble l’intensité du mal.

Ne vous étonnez donc point, si je vous demande de faire plus que n’ont fait les Ninivites : ou plutôt, ce n’est pas seulement le jeûne que je vous prescris, je vous indique encore le remède qui a relevé cette ville au moment où elle succombait. Quel est ce remède ? « Le Seigneur vit que chacun s’était détourné de ses voies d’iniquité, et il se repentit au sujet du mal qu’il avait menacé de leur faire ». Suivons cet exemple les uns et les autres ; détournons-nous de l’avarice, de l’ambition, en priant Dieu de nous tendre la main et de redresser les membres qui ont défailli. Le sujet de crainte n’est plus le même aujourd’hui. Alors c’étaient des pierres, des poutres qui allaient tomber, des corps qui allaient périr : il ne s’agit plus de cela, mais des âmes menacées du feu vengeur de l’enfer. Prions, confessons-nous, remercions Dieu pour les choses passées, prions-le pour l’avenir, afin que, délivrés du monstre terrible déchaîné parmi nous, il nous soit donné d’offrir nos actions de grâces au Dieu de bonté, au Dieu Père, avec qui gloire, puissance, honneur au Fils et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.