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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/507

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passage, au moyen de ce qui suit : « Afin que nous ne soyons plus petits enfants (14) ». Voilà cette petite mesure que nous avons reçue : conservons-la avec grand soin, avec une persévérance inébranlable. « Plus » : ce mot marque que nous sommes depuis longtemps dans cet état. « Il se met lui-même au nombre de ceux qui ont besoin de la correction, il s’y soumet ». Il dit donc : S’il y a tant d’ouvriers, c’est pour que l’édifice ne soit pas ébranlé, ne vacille pas, pour que les pierres demeurent bien jointes : car c’est à elles que conviennent ces expressions qui marquent un ébranlement. « Afin que nous ne soyons plus comme de petits enfants qui chancellent et vacillent à tout vent de doctrine, par la méchanceté des hommes, par l’astuce qui entraîne dans le piège de l’erreur ». – « Qui vacillent à tout vent de doctrine », est une métaphore continuée qui montre bien à quel danger sont exposées les âmes désunies et séparées. Il désigne la méchanceté par une expression qui signifie action de jouer aux dés. Ainsi se comportent en effet les pervers à l’égard des simples : ils brouillent et bouleversent tout. Maintenant il passe à la conduite : « Mais afin que, pratiquant la vérité dans la charité, nous croissions en toutes choses dans celui qui est le chef, le Christ, en vertu duquel tout le corps uni et lié par toutes les jointures qui se prêtent un mutuel secours, d’après une opération proportionnée à chaque membre, reçoit son accroissement, pour être édifié dans la charité (15, 46) ».

Son langage est très-obscur, parce qu’il a voulu tout dire à la fois. En voici le sens. Le Christ ressemble à l’esprit qui, descendant du cerveau, ne communique pas à tous les nerfs une pareille aptitude à sentir, mais seulement une aptitude appropriée à la fonction de chaque membre, plus grande chez celui qui comporte un plus haut degré de sensibilité, moins grande chez celui qui en comporte un moindre : mais le principe, c’est toujours l’esprit. Les âmes sont comme les membres qui dépendent du Christ : sa providence dispense les grâces, et mesure l’accroissement de chaque membre proportionnellement à son rôle. Qu’est-ce à dire : « Par toutes les jointures qui se prêtent un mutuel secours. » C’est de la sensibilité qu’il s’agit ici. Cet esprit qui se répand de la tête dans tous les membres, opère ainsi dans chaque membre qu’il parcourt. C’est comme si l’on disait : Le corps qui reçoit ce secours croît à proportion de ses membres ; ou encore : Les membres participent à ce secours proportionnellement, et croissent dans cette mesure ; ou encore : L’esprit libéralement répandu d’en haut, et communiqué à tous les membres à proportion de leur capacité, croît dans cette même proportion. Mais pourquoi avoir ajouté « en charité ? » C’est que autrement l’esprit dont il est question ne saurait descendre. Supposons une main détachée du corps : l’esprit qui vient du cerveau trouvant la route interceptée ne quitte point pour cela le corps afin de rejoindre la main : s’il ne la trouve pas à portée, il ne se communique point à elle… La même chose arrive pour nous, quand la charité ne nous unit point.

4. Dans tout ce qui précède, Paul a eu en vue l’humilité. Qu’importe-t-il que tel ou tel ait reçu davantage ? Il a reçu le même esprit qui vient de la tête, esprit qui agit également, se communique également. « Uni et lié » : en d’autres termes, objet d’une vive sollicitude. Pour que le corps subsiste, il faut que la liaison entre les membres soit très-étroite : car la moindre déviation l’empêche de subsister. Il ne suffit donc pas d’être uni au corps, il faut encore demeurer à sa place : sans quoi l’union n’existe pas, et l’esprit n’arrive plus. Dans les luxations que causent certains accidents, le dérangement d’un seul os qui empiète sur le domaine d’un autre suffit pour endolorir tout le corps et quelquefois pour le tuer : d’autres fois, on juge cet os indigne d’être conservé ; on l’enlève, on laisse vide la place qu’il occupait. Car l’usurpation est partout un mal. De même pour les éléments qu’ils viennent à rompre leur harmonie pour empiéter les uns sur les autres, tout l’univers en souffre. Voilà ce que signifie « Uni et lié ». Songez donc combien il importe que chacun reste dans son domaine et s’abstienne d’entreprendre sur le terrain d’autrui. Vous arrangez les membres : un autre de là-haut leur fournit ce dont ils ont besoin. Il en est de l’esprit comme du corps : il a également des organes susceptibles de recevoir ce qui lui vient de là-haut. Le cœur, par exemple, est le réceptacle de l’air ; le foie, du sang ; la rate, de la bile, et ainsi de suite : néanmoins toutes ces choses ont leur principe dans le cerveau.