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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/508

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Dieu a fait de même, voulant honorer l’homme et veiller sur lui sans cesse : il a rattaché le principe à lui-même, mais il s’est donné des collaborateurs, entre lesquels il a réparti les fonctions. Par exemple, dans ce corps le vaisseau par excellence est l’apôtre qui reçoit tout de ses mains. De cette façon, comme par des artères et des veines (c’est la parole que j’ai en vue) il fait circuler en tous la vie éternelle. Le prophète prédit l’avenir, et Dieu le prépare. Le prophète assemble les os : Dieu y infuse la vie, « pour la perfection des saints, pour l’œuvre du ministère ». La charité édifie, et fait que toutes les parties s’assemblent, se joignent, s’unissent. Ainsi donc, si nous voulons jouir de l’esprit qui vient de la tête, attachons-nous les uns aux autres. Il y a deux manières de se séparer du corps de l’Église : l’une consiste dans le refroidissement de la charité ; l’autre dans une conduite qui nous rend indignes de faire partie de ce corps : des deux façons nous rompons avec l’assemblée des fidèles. S’il nous est prescrit même d’édifier les autres, qu’adviendra-t-il de ceux qui, au lieu d’édifier, donnent l’exemple de la désunion. Rien ne divise l’Église comme l’amour de la domination ; rien n’irrite Dieu comme la division de l’Église. Aurions-nous pratiqué les œuvres les plus parfaites, si nous déchirons l’unité, nous serons punis comme si nous avions déchiré le corps du Seigneur. Ce dernier meurtre a été commis au profit de l’univers, bien que cette intention fût étrangère à ses auteurs : l’autre ne saurait produire que des désastres.

Je parle, non seulement à ceux qui sont constitués en dignité, mais encore à ceux qui sont placés sous leur direction. Un saint homme a dit un mot qui semble très-hardi, savoir : Que le martyre même n’efface pas un tel péché : quoi qu’il en soit, il l’a dit. Dis moi, en effet : Pourquoi souffres-tu le martyre ? N’est-ce pas pour la gloire de Jésus-Christ ? tu livres ta vie pour Jésus-Christ, et tu ravages l’Église, pour laquelle Jésus-Christ est mort. Écoutez plutôt ces mots de Paul : « Je ne suis pas digne d’être nommé apôtre, parce que j’ai persécuté l’Église de Dieu » (1Co. 15,9), parce que je la ravageais. Les attaques de nos ennemis nous font bien moins de mal que ces déchirements intestins : les unes ajoutent à la gloire de l’Église ; les autres l’exposent aux moqueries de ses ennemis mêmes, heureux de la voir attaquée par ses propres enfants. Car à leurs yeux, c’est un signe manifeste de la fausseté de nos doctrines que les enfants, les nourrissons de l’Église, ceux qu’elle a pleinement initiés à ses mystères, changent tout à coup au point de prendre à son égard les sentiments de ses ennemis.

5. Voilà pour ceux qui se livrent sans discernement aux fauteurs de nos divisions. Si leurs doctrines sont opposées aux nôtres, c’est une raison de ne pas les fréquenter ; s’ils pensent comme nous, raison de plus. Pourquoi ? Parce que l’ambition est alors la cause du fléau. Ignorez-vous le supplice infligé à Coré, Dathon et Abiron, et non seulement à eux, mais encore à leurs complices ? Que dites-vous ? leur foi est la nôtre, ils sont orthodoxes. Eh bien ! pourquoi alors ne sont-ils pas avec nous ? « Il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême ». Si le bon droit est avec eux, nous sommes en tort ; si nous avons raison, ils sont en faute. « De petits enfants qui chancellent et vacillent à tout vent ». Pensez-vous qu’il suffise de dire : « Ils sont orthodoxes ? » Et l’élection, pour quoi la comptez-vous ? Quel est le fruit de tout le reste, si l’on n’est pas fidèle sur ce point ? On doit défendre l’élection aussi bien que la foi. En effet, s’il est permis à chacun de remplir ses mains, comme disaient les anciens, et de se faire prêtres, que tous accourent : c’est en vain qu’a été érigé cet autel, en vain qu’a été formée l’Église, en vain que le nombre des prêtres a été fixé : détruisons, abolissons tout. A Dieu ne plaise ! dira-t-on. Cette conduite est la vôtre, et vous venez dire : A Dieu ne plaise ! La chose est faite, il n’est plus temps. Je vous le dis et vous le répète, non dans mon intérêt, mais dans celui de votre salut : s’il y a des indifférents, que leur conscience les juge ; s’il y a quelqu’un que cela n’intéresse pas, nous y sommes intéressés, nous : « J’ai planté, Apollo a arrosé, mais c’est Dieu qui a donné l’accroissement ». (1Cor. 3,6),

De quel front endurerons-nous les sarcasmes des païens ? S’ils nous cherchent querelle au sujet des hérésies, que ne diront-ils pas de ces autres divisions ? S’ils ont les mêmes dogmes, s’ils croient les mêmes mystères, pourquoi un pasteur envahit-il l’Église de l’autre ? Tout est donc vaine gloire dans le christianisme ; on y trouve partout l’ambition, la fraude, l’astuce. Ôtez aux chrétiens leur