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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/511

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cela ne vient que de Dieu : moi, je vous demande ce qui dépend de vous, une conduite, une vie selon Dieu : cela, c’est votre affaire. Je prends Dieu à témoin de mes paroles : je ne vous ai rien caché, je vous ai dit comment vous devez vous conduire. « Dans la vanité de leur esprit ». En quoi consiste la vanité de l’esprit ? Dans la vanité des occupations. Mais quelles sont les choses vaines, sinon toutes celles du monde, dont l’Ecclésiaste dit : « Vanité des vanités, tout est vanité ». (Ecc. 1,2) Mais on dira : si tout est vanité, d’où vient qu’il existe quelque chose ? Si tout est l’ouvrage de Dieu, comment tout peut-il être vanité ? On ne tarit point là-dessus. Mais écoute, mon cher auditeur : En disant vanité, le Sage n’entend pas parler des ouvrages de Dieu, à Dieu ne plaise ! le ciel n’est point vanité, la terre non plus, loin de nous cette pensée : pas plus que le soleil, la lune et les astres, pas plus que notre corps : toutes ces choses sont excellentes. Où est donc la vanité ? Écoutons les propres paroles de l’Ecclésiaste : « Je me suis planté des vignes, je me suis fait des chanteurs et des chanteuses, je me suis fait des piscines d’eau, j’ai eu des bergeries et des étables, j’ai amassé de l’or et de l’argent ; et j’ai vu que tout est vanité ». (Ecc. 2,5 et suivants) Et encore : « Vanité des vanités, tout est vanité ». Écoutez encore le Prophète : « Il thésaurise et ne sait pas pour qui il amassera ces choses ». ([[Bible_Crampon_1923/Psaumes#Psa. 38,7) Ainsi, vanité des vanités que les palais magnifiques, que l’abondance des richesses, que les troupeaux d’esclaves marchant fièrement sur la place publique, que l’orgueil et la jactance, que l’outrecuidance et la présomption. Toutes ces choses sont vaines ; car elles ne sont pas l’ouvrage de Dieu, mais le notre. Mais pourquoi sont-elles vaines ? Parce qu’elles n’ont pas une bonne fin.

Les richesses sont vaines, quand on les dépense en luxe ; elles ne sont pas vaines, quand on les prodigue aux pauvres. Quand on les dépense en luxe, voyons quelle en est la fin : de la graisse, des vents, des excréments, des migraines, le ramollissement, l’échauffement, la langueur du corps. Le voluptueux ressemble à un homme qui s’évertuerait à remplir un tonneau percé. On appelle encore vaine une chose qu’on a crue honorable et qui ne l’est point c’est le sens où l’on prend quelquefois le mot « vide » et le mot « frivole », par exemple en parlant des espérances. Et en général on dit d’une chose qu’elle est vaine quand elle n’est bonne à rien. Voyons donc si les choses humaines n’ont pas ce caractère. « Mangeons et buvons : car nous mourrons demain ». (1Cor. 15,32) Quelle est donc la fin, dites-moi ? Le trépas. Habillons-nous, parons-nous, quelle sera la fin ? Le néant. Quelques-uns des païens ont touché à cela dans leur philosophie, mais sans succès : ils ont enseigné une vie de privations, mais sans viser par là à rien d’utile, et dans le seul intérêt de leur gloire et de leur vanité. Or qu’est-ce que la gloire humaine ? Rien. Si ceux qui la donnent périssent, à plus forte raison en est-il ainsi de la gloire elle-même. Celui qui procure à autrui de la gloire, devrait commencer par s’en procurer à lui-même : sinon, comment pourrait-il en donner à autrui ? Et pourtant nous recherchons les suffrages d’hommes vils, méprisables, déshonorés. Que peut être une gloire pareille ?

2. Voyez-vous que tout est vanité des vanités ? De là cette parole : « Dans la vanité de « leur esprit ». N’est-ce pas ainsi qu’il faut caractériser leur religion ? Les objets de leur culte ne sont-ils pas des pierres et du bois ? Dieu a fait le soleil comme un flambeau pour nous éclairer : qui est-ce qui se prosterne devant son flambeau ? Le soleil nous fournit sa lumière : mais, en son absence, une lampe fait le même office : pourquoi donc n’adorez-vous pas votre lampe ? Je le fais, diront-ils, j’adore le feu. O dérision ! et vous ne rougissez point d’un pareil sacrilège ! Considérez encore ceci : Pourquoi éteindre ce que vous adorez ? Pourquoi l’anéantir ? Pourquoi tuer votre Dieu ? Pourquoi lui défendre d’envahir toute votre maison ? Si le feu est Dieu, qu’il dévore votre corps, et ne posez pas sur votre Dieu le fond d’une marmite : introduisez-le plutôt dans la chambre où sont vos trésors, vos étoffes précieuses. Mais loin de là : qu’il vienne à se glisser chez vous par l’imprudence de quelqu’un, vous le chassez de toutes ses retraites, vous appelez tout le monde à votre secours ; vous gémissez, vous pleurez comme s’il s’agissait d’une bête féroce, et vous traitez de calamité la venue de votre Dieu dans votre maison. Moi, j’ai un Dieu, et je fais tout mon possible pour le garder dans mon cœur, et je mets ma béatitude non à recevoir sa visite dans ma maison, mais à l’attirer dans mon cœur. Attirez