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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/541

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en tout comme s’ils se proposaient de rendre le jugement de Dieu plus sévère à leur égard. Voilà pourquoi notre bienheureux dit : « Marchez comme des enfants de lumière ». Or, c’est l’avare surtout qui vit dans les ténèbres, qui répand une nuit épaisse sur tout le monde. Et encore : « Ne vous associez point aux œuvres infructueuses des ténèbres, mais plutôt réprouvez-les ; car ce qu’ils font en secret est honteux même à dire. Or tout ce qui est répréhensible se découvre par la lumière ».

Écoutez, je vous prie, vous tous qui craignez de vous exposer gratuitement à la haine ! Cet homme dépouille son prochain, et vous ne le confondez pas, de peur de vous attirer sa haine ? Mais ce n’est pas là s’exposer gratuitement à la haine : c’est justement que vous reprendriez le coupable, et vous craignez d’en être haï ? Reprenez votre frère, encourez l’inimitié du prochain, pour l’amour du Christ, pour l’amour du prochain lui-même : arrêtez-le dans sa course vers l’abîme. Le faire asseoir à notre table, le combler de bonnes paroles, de salutations, de plaisirs, ce n’est pas l’amitié. Voilà les dons que nous devons faire à nos amis, pour dérober leur âme à la colère de Dieu : quand nous les voyons plongés dans la fournaise de l’iniquité, relevons-les. Mais il est incorrigible, dira-t-on. Eh bien ! vous, faites ce qui est en votre pouvoir, et vous voilà justifié devant Dieu. Ne cachez pas le talent : si la parole, si une langue, une bouche vous ont été données, c’est pour que vous corrigiez le prochain. Les brutes seules ne songent pas au prochain, ne s’occupent que d’elles-mêmes : mais vous, qui nommez Dieu votre père, et frère votre prochain, quand vous voyez ce frère commettre péché sur péché, vous faites passer avant son intérêt le désir de lui complaire ? N’en faites rien, de grâce. Rien ne prouve mieux l’amitié, que de ne pas laisser faillir ses frères. Vous les voyez haïr ? réconciliez-les. Vous les voyez commettre l’injustice ? arrêtez-les. Vous les voyez opprimés ? défendez-les : ce n’est pas à eux, c’est à vous-même que vous rendez service. Si nous sommes amis, c’est pour nous entraider. Les paroles d’un ami ne seront pas reçues comme celles du premier venu : un inconnu, on s’en défiera peut-être, et d’un prédicateur pareillement ; mais non d’un ami.

« Car ce qu’ils font en secret est honteux même à dire. Or, tout ce qui est répréhensible se découvre par la lumière ». Que veut-il dire ici ? Il veut dire que parmi les péchés, les uns sont secrets, les autres publics ; mais il en sera autrement dans l’état dont il parle, car il n’y a personne qui n’ait conscience de ses péchés. Voilà pourquoi il dit : « Or tout ce qui est répréhensible se découvre par la lumière ». Mais quoi ! dira-t-on, est-ce que ceci ne regarde point également l’idolâtrie ? Non, c’est de la conduite et des péchés qu’il est question. « Car tout ce qui se découvre est lumière ». Je vous en conjure donc, n’hésitez point à reprendre, et ne vous fâchez pas quand on vous reprend. Car tout ce qui s’accomplit dans l’ombre se fait avec plus de sécurité : or, la présence de beaucoup de témoins produit l’effet de la lumière. Faisons donc tous nos efforts pour écarter les causes de mort qui menacent nos frères, pour dissiper les ténèbres, pour faire luire ici-bas le soleil de la justice. S’il y a beaucoup de flambeaux, le chemin de la vertu nous sera plus aisé ; et ceux qui sont dans les ténèbres seront plus facilement surpris, grâce à cette lumière qui dissipera l’obscurité. Sinon, il est à craindre que nous ne soyons nous-mêmes plongés dans la nuit, le voile épais des ténèbres et des péchés venant à triompher de la lumière et à en chasser la clarté. Croyons donc qu’en obligeant aujourd’hui nous nous rendons service à nous-mêmes ; et ainsi nous louerons dans toute notre conduite le Dieu de bonté, par la grâce et la charité de son fils unique, avec qui gloire, puissance, honneur au Père et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.