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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/563

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Son fils, de même, ne dut pas sa gloire à ses richesses, mais à son hospitalité ; à ses enfants, mais à son obéissance ; à sa femme, mais à la stérilité de sa femme. Ils comptaient pour rien la vie présente, ne thésaurisaient point, dédaignaient tout. Dites-moi, quelles sont les plus précieuses des plantes ? ne sont-ce pas celles qui tirent leur force d’elles-mêmes, qui ne redoutent ni la pluie, ni la grêle, ni les vents, ni aucune intempérie de ce genre, et qui, debout, bravent tous ces assauts, sans avoir besoin de rempart ni d’échalas ? Voilà le sage, voilà la richesse dont je parle : le sage ne possède rien, et possède tout : il a tout, et n’a rien. Un mur est une chose extérieure, une haie n’est pas un rempart naturel, mais une défense d’emprunt. Mais, dites-moi, qu’est-ce qu’un corps vigoureux ? n’est-ce pas celui qui jouit d’une santé parfaite, qui peut résister et à la faim, et à la réplétion, et à la chaleur, et au froid ? ou bien celui qui est exposé à toutes ces influences, et a besoin de cuisiniers, de tisserands ; de chasseurs, de médecins, pour se maintenir en santé ? Le riche, le vrai sage, c’est l’homme qui sait se passer de toutes ces choses. Voilà pourquoi notre saint a dit : « Élevez-les dans la discipline et la correction du Seigneur ». Ne vous environnez donc point de remparts : la gloire, la richesse, les voilà… Que l’échalas vienne à tomber, ce qui ne manque pas, la plante reste nue et sans défense ; et ces précautions passées, loin de lui rendre aucun service, lui ont été, au contraire, nuisibles. Car ce sont précisément ces remparts qui, en l’empêchant de s’accoutumer à braver les assauts des vents, sont cause qu’elle succombe maintenant.

Ainsi donc la richesse nous est plus nuisible que profitable, en ce qu’elle nous empêche de nous exercer à braver les vicissitudes de la vie. Mettons donc nos enfants en état de résister à tout, de ne pas se laisser déconcerter par les accidents ; élevons-les dans la discipline et la correction du Seigneur : nous en serons amplement récompensés. Si l’on voit combler d’honneurs les hommes qui font la statue des rois ou peignent leur image : nous, qui parons en nous-mêmes l’image de Dieu, ne jouirons-nous pas de mille biens, si nous atteignons à la ressemblance ? Cette ressemblance, c’est la vertu, à laquelle nous parviendrons si nous enseignons à nos enfants à être hommes de bien, exempts de colère et de ressentiment ; comme Dieu lui-même, bienfaisants, charitables, indifférents aux biens du monde. Appliquons-nous de toutes nos forces à les façonner ainsi que nous-mêmes, à les régler sur le devoir : songeons, en effet, avec quelle assurance nous pourrons alors comparaître au tribunal du Christ. Si celui qui a des enfants indociles est indigne de l’épiscopat, à bien plus forte raison l’est-il du céleste royaume. Eh quoi ! dira-t-on : si notre femme, si nos enfants sont insoumis, nous aurons à en rendre compte ? Oui, si nous n’avons pas fait scrupuleusement tout ce qui était en nous ; car il ne suffit pas pour notre salut que nous ayons été vertueux nous-mêmes. Si celui qui n’avait pas placé l’unique talent fut puni par cela même, il est clair qu’il ne suffit pas pour notre salut que nous ayons été vertueux de notre côté. Occupons-nous donc de nos femmes, veillons avec le plus grand soin sur nos enfants, sur nos serviteurs, sur nous-mêmes, et dans nos efforts pour régler notre conduite et la leur, prions Dieu afin qu’il nous vienne en aide. S’il nous voit occupés, empressés à cette œuvre, il nous secondera : s’il nous trouve indifférents, il ne nous tendra pas la main. Car Dieu ne nous porte pas secours quand nous dormons : il ne nous assiste que lorsque nous faisons effort nous-mêmes. On n’aide pas une personne qui se repose. Mais c’est au bon Dieu qu’appartient le pouvoir d’assurer le succès de notre œuvre, afin que nous soyons tous jugés dignes d’obtenir les biens promis, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui gloire, puissance, honneur au Père et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.