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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/595

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je le visse, mais pour que je le fisse connaître aux autres hommes. Et il n’a pas dit simplement : « Aux autres hommes », mais bien : « Afin que je prêche son évangile parmi les gentils ». C’est ici qu’il commence à toucher le point principal de sa justification, et il le tire de la personne de ses disciples. En effet, il n’était point également obligé de prêcher aux Juifs et aux gentils. « Aussitôt je ne pris conseil ni de la chair, ni du sang ». Ici il fait allusion aux apôtres en les désignant par les attributs de la nature humaine. Que dans ces paroles il ait compris tous les autres hommes, nous ne le nierons pas non plus. « Et je n’allai pas à Jérusalem auprès de ceux qui avaient été faits apôtres avant moi (17) ». A les regarder isolément, ces paroles semblent pleines d’orgueil et bien éloignées de la simplicité apostolique. Ne prendre conseil que de soi-même et ne pas consulter les autres semble être le fait d’un homme inintelligent et orgueilleux. « J’ai vu un homme qui s’estimait sage, mais il faut plus espérer de l’insensé que de lui ». (Prov. 15,12) Et l’Écriture dit encore : « Malheur à ceux qui se croient sages et qui se croient instruits ». (Is. 6,21) Paul lui-même a dit : « Ne soyez pas sages à vos propres yeux ». (Rom. 12,16)
10. Un homme, je ne dis pas du caractère de Paul, mais un homme quelconque pourrait-il après avoir appris et enseigné ces belles maximes de modestie, les violer si ouvertement ? Je le répète, ses expressions, à les considérer toutes seules, peuvent exciter de la surprise chez quelques-uns de ceux qui les écoutent et les mettre dans l’embarras. Mais si nous tenons compte du motif qui les lui dictait, tous nous n’aurons plus pour lui que de l’admiration et des applaudissements. Faisons donc ainsi : il ne faut ni examiner ses paroles toutes seules, car cela nous entraînerait dans bien des erreurs, ni passer à la pierre de touche chacune de ses expressions, il faut au contraire nous rendre compte de la pensée de celui qui écrit. Dans nos entretiens avec les autres hommes, si nous n’agissions pas ainsi, et si nous ne recherchions pas l’intention de celui qui parle, nous nous exposerions à bien des haines, ce ne serait partout que désordre. Et cela n’est pas vrai seulement du langage, mais aussi des actions, car, si pour les apprécier nous ne suivons pas la même règle, tout est complètement bouleversé. Les médecins coupent et brisent quelquefois les os des malades, les brigands font la même chose ; qui cependant serait assez aveugle pour ne pas distinguer le médecin du brigand ? Les assassins et les martyrs éprouvent les mêmes souffrances quand on les met à la torture, mais quelle distance entre eux. Si nous ne suivions pas cette règle, nous ne saurions point faire cette distinction. Nous dirions que Hélie était un assassin, nous en dirions autant de Samuel et de Phinée, et nous accuserions Abraham d’avoir voulu tuer son fils, si nous devions n’examiner que leurs actions toutes seules sans tenir compte de l’intention.
Examinons donc les intentions de Paul quand il écrivait ce passage : voyons quel était son but, quels étaient en un mot ses rapports avec les apôtres, et nous saurons quelle était sa pensée quand il tenait ce langage. Ce n’est ni pour les rabaisser, ni pour se vanter lui-même qu’il parle ainsi, dans ce passage et dans les précédents. Comment l’aurait-il fait, puisqu’il se soumettait à l’anathème tout le premier ? Il n’avait en vue que de sauvegarder en tout et pour tout l’intégrité de l’Évangile. Comme les ennemis de l’Église disaient qu’on devait se conformer aux prescriptions des apôtres qui n’interdisaient pas ces coutumes, plutôt qu’à celles de Paul qui les interdisaient, et comme ils partaient de là pour faire pénétrer petit à petit l’erreur des Juifs parmi les Galates, Paul se voit forcé de leur résister avec fermeté, non pas qu’il voulût médire des apôtres, mais il voulait confondre la sotte présomption de ceux qui se vantaient hors de propos. C’est pour cela qu’il dit : « Je ne pris conseil ni de la chair ni du sang ». C’eût été en effet le comble de la folie d’aller consulter les hommes après avoir reçu ses instructions de Dieu lui-même. Il est naturel que celui qui a été instruit par les hommes, retourne auprès des hommes pour leur demander conseil ; mais lui, qui avait eu l’honneur d’entendre cette voix divine et bienheureuse, qui avait été entièrement instruit par celui-là même qui possède le trésor de la sagesse, quel besoin pourrait-il avoir désormais de consulter les autres hommes ? Il serait juste qu’un tel homme instruisît ses semblables au lieu d’être instruit par eux. Ce n’était donc pas un ridicule orgueil qui le faisait parler ainsi, mais le désir de montrer la haute valeur de sa prédication. « Je n’allai pas, dit-il, auprès de ceux qui