Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/621

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

prennent plus volontiers leur parti quand ils voient un homme de leur race leur donner l’exemple. « Je vous en prie, mes frères, vous ne m’avez jamais offensé en aucune chose. Remarquez comme il emploie encore, en s’adressant à eux, les épithètes les plus honorables, ce qui était en même temps un moyen de leur rappeler la grâce dont ils avaient été l’objet. Après leur avoir fait de vifs reproches, et avoir examiné leur conduite à tous les points de vue, et leur avoir prouvé qu’ils avaient violé la loi, après leur avoir infligé toutes sortes de critiques, il les épargne, il panse leurs blessures, il leur parle avec plus de douceur. De même que de continuels ménagements détruisent l’effet des bons conseils, de même une critique toujours acerbe finit par révolter celui auquel elle s’adresse. Aussi, en toute circonstance, est-il bien de ne jamais dépasser la mesure. Voyez-vous comme il s’excuse auprès d’eux de leur avoir ainsi parlé ; il leur montre que son langage lui a été inspiré non pas seulement par son indignation, mais aussi par son affection pour eux. Il leur avait fait de profondes incisions, il apaise leur douleur par le baume de sa parole. En montrant que ni la haine, ni la rancune ne lui ont dicté son langage, il leur rappelle l’amour qu’il leur avait témoigné, et se fait pardonner ses critiques tout en s’attirant leur admiration.
9. Voilà pourquoi il dit : « Je vous en prie, mes frères, vous ne m’avez jamais offensé en aucune chose. Vous savez que lorsque je vous ai annoncé premièrement l’Évangile, ç’a été parmi les persécutions et les afflictions de la chair ; et que vous ne m’avez point méprisé, ni rejeté à cause de ces épreuves que je souffrais en ma chair (13, 14) ». Mais l’important n’est pas encore de n’avoir fait de tort à personne, car le premier venu ne voudrait pas nuire à qui ne lui a rien fait, et ne voudrait pas gratuitement et inutilement lui causer quelque chagrin. Mais vous, non contents de ne me faire aucun tort, vous m’avez témoigné une grande, une inépuisable bienveillance ; et il n’était pas possible qu’après avoir eu tant à me louer de vous, l’idée pût me venir de vous parler avec malveillance. Ce n’est donc point par haine que je me suis exprimé de la sorte ; par conséquent ce ne peut être que par esprit d’affection et de dévouement. « Je vous en prie, vous ne m’avez jamais offensé en aucune chose. D’un autre côté, vous savez que lorsque je vous ai prêché l’Évangile, ç’a été parmi les afflictions de la chair ».
Rien de plus compatissant que cette âme sacrée, rien de plus doux, rien de plus affectueux. Ces premières paroles étaient donc l’effet non d’une colère irréfléchie, ou d’un mouvement passionné de l’âme, mais d’une affection profonde. Que dis-je ? vous ne m’avez offensé en rien. Vous m’avez montré un empressement ardent et sincère. « Vous savez que lorsque je vous ai annoncé premièrement l’Évangile, ça été parmi les persécutions et les afflictions de la chair, et que vous ne m’avez point méprisé, ni rejeté ys à cause de ces épreuves que je souffrais en ma chair ». Quel est le sens de ces paroles ? J’étais pourchassé, dit-il, j’étais frappé du fouet, je m’exposais à mille morts, tandis que je vous prêchais l’Évangile, et même en cet état je n’étais point pour vous un objet de mépris. Car c’est ce que signifient ces expressions : « Vous ne m’avez point méprisé ni rejeté à cause de ces épreuves que je souffrais en ma chair ». Voyez-vous comme l’Esprit-Saint l’inspire ? Tout en se justifiant, il éveille chez eux le remords, en leur rappelant tout ce qu’il a souffert à cause d’eux. Mais cependant rien de tout cela ne vous a scandalisés, dit-il, et vous n’avez méprisé ni les souffrances, ni les persécutions que j’endurais ; car c’est de cela qu’il veut parler quand il rappelle ses épreuves et les afflictions de sa chair. « Mais vous m’avez reçu comme un ange de Dieu ». N’est-il donc pas étrange que vous m’ayez accueilli comme un ange de Dieu, quand j’étais pourchassé et persécuté, et que vous refusiez de m’accueillir quand je viens vous rappeler vos devoirs ?
« Où est donc le temps où vous vous estimiez si heureux ? car je puis vous rendre ce témoignage, que vous étiez prêts alors, s’il eût été possible, à vous arracher les yeux pour me les donner, Suis-je donc devenu votre ennemi parce que je vous ai dit la vérité (15,16) ? » Il laisse échapper ici son embarras et sa stupeur, et veut savoir d’eux-mêmes les causes de leur changement. Qui vous a séduits, leur dit-il, et vous a persuadés d’avoir d’autres sentiments envers moi ? N’êtes-vous plus ceux qui m’entouraient de soins assidus, et qui m’aimaient plus que la prunelle de leurs yeux ? Qu’est-il donc arrivé ?