Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/622

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

D’où vient cette haine ?d’où viennent ces soupçons ? De ce que je vous ai dit la vérité ? C’est précisément pour cela que vous devriez m’honorer et me chérir davantage, au lieu que je vous suis devenu odieux maintenant, parce que je vous parle franchement. Pour moi, leur dit-il, je ne vois pas d’autre cause à votre changement que la franchise de mon langage. Et voyez avec quelle humilité il se justifie. Car il se fonde, non sur ce qu’il a fait pour eux, mais sur ce qu’ils ont fait pour lui, afin de leur prouver qu’il est impossible qu’il leur ait parlé dans un esprit de malveillance. Il ne leur a pas dit : Comment croire que celui qui s’est exposé pour vous aux coups de fouet, aux persécutions et à la souffrance, vienne maintenant conspirer votre perte ? Non, il leur rappelle leur belle conduite dont ils avaient droit d’être fiers, et il conclut en disant : Comment croire que celui qui a été traité par vous avec tant d’égards, et que vous avez reçu comme un ange, veuille vous payer d’ingratitude ?
« Ils s’attachent fortement à vous ; mais ce n’est pas d’une bonne affection, puisqu’ils veulent vous séparer de nous, afin que vous vous attachiez fortement à eux (17) ». En effet, l’émulation est un bon sentiment quand elle nous fait rivaliser de vertu avec un autre homme ; c’est un mauvais sentiment, quand elle cherche à écarter de la vertu celui qui fait bien. Et c’est là le but qu’ils recherchent maintenant : vous avez la pleine connaissance du vrai, ils veulent vous la faire perdre, pour vous ramener à leur doctrine bâtarde et mutilée, et pourquoi ? Uniquement pour se poser en docteurs de la loi, et pour vous rabaisser au rang de disciples, vous qui maintenant leur êtes supérieurs. C’est ce qu’il leur faisait entendre par ces paroles : « Afin que vous vous attachiez fortement à eux ». Quant à moi, leur dit-il, je veux tout au contraire vous rendre meilleurs qu’eux, et faire de vous le modèle des hommes les plus parfaits. Et c’est ce qui eut lieu quand j’étais avec vous. Aussi ajoute-t-il : « Il est beau d’être zélés dans le « bien, en tout temps, et non pas seulement « quand je suis parmi vous (18) ». Par là il donne à entendre que c’est son absence qui est cause de tout, et que, pour être vraiment heureux, les disciples doivent rester fidèles à leurs devoirs, non seulement en présence du maître, mais encore en son absence. Mais comme ceux-ci n’en étaient pas encore venus à ce point de perfection, il fait tous ses efforts pour les y amener.
« Mes petits enfants, pour qui je sens de nouveau les douleurs de l’enfantement, jusqu’à ce que Jésus-Christ soit formé dans vous (19) ». Voyez ses craintes, voyez son trouble. « Mes frères, je vous en supplie. – Mes petits enfants, pour qui je sens de nouveau les douleurs de l’enfantement ». Ne dirait-on pas une mère craintive, empressée autour de ses petits enfants ? « Jusqu’à ce que Jésus-Christ soit formé dans vous ». Voilà bien les entrailles d’un père. Voilà bien la douleur et l’abattement qui conviennent à un apôtre. Avez-vous entendu ce cri plus déchirant que celui de la mère pour son nourrisson ? Vous avez, dit-il, dégradé l’image de Dieu, détruit votre parenté avec lui, changé votre forme qui s’était modelée sur la sienne : il vous faut passer par un nouvel enfantement, par une nouvelle création. Et pourtant je vous appelle toujours mes enfants, pauvres êtres chétifs et avortés ! Mais il se garde bien de leur parler ainsi. Bien au contraire, il les épargne et ne veut pas continuer de les frapper, pour ne pas ajouter blessure sur blessure. Il fait comme les médecins habiles qui, lorsqu’ils ont à traiter des malades dont le mal doit durer longtemps, se gardent bien d’être toujours à leur prescrire des remèdes, et qui ont soin de leur accorder quelques moments de répit, pour ne pas les abattre et les épuiser tout à fait. Cet enfantement moral était plus douloureux que l’enfantement physique, plus douloureux en proportion même de l’affection qu’il leur portait, et de la faute qu’ils avaient commise.
3. Ce que j’ai toujours dit et dirai toujours, c’est que le plus petit manquement aux lois de Dieu trouble entièrement et détruit la forme des choses. « Je voudrais être présent maintenant parmi vous, et vous faire en« tendre ma voix (20) ». Remarquez comme son zèle l’emporte 'et ne lui permet pas de taire ses secrets sentiments. Tel est l’homme vraiment dévoué : les paroles ne lui suffisent pas, il veut encore être présent. « Afin de vous « faire entendre ma voix », dit-il. C’est-à-dire afin d’échanger nos gémissements, afin d’exciter vos larmes et vos cris de douleur. Ce n’était pas par le moyen d’une lettre qu’il pouvait leur faire voir ses larmes et leur faire