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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/623

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entendre ses gémissements : aussi brûle-t-il du désir de les aller voir en personne : « Parce que je suis dans la perplexité en songeant à vous ». Je ne sais ni que vous dire, ni quel raisonnement vous faire. Comment se fait-il qu’après vous être élevés au plus haut des cieux, et par les dangers que vous avez affrontés pour la foi, et par les miracles que vous avez opérés, comment se fait-il que vous soyez tombés tout d’un coup à un tel degré d’avilissement, que vous vous soyez astreints à observer le sabbat et la circoncision, et que vous vous soyez mis à la remorque des judaïsants ? C’est pour cela qu’il leur disait au début : « Je m’étonne que vous ayez changé si vite » (Gal. 1,6), et qu’il dit maintenant : « Je suis dans la perplexité en songeant à vous ». C’est comme s’il s’exprimait ainsi : Que vous dire ? de quoi vous entretenir ? que penser ? Je suis dans la perplexité, et je me vois forcé d’avoir recours aux gémissements. Les prophètes en font autant, eux aussi, quand ils sont dans l’embarras. C’est encore là un moyen qui n’est pas peu efficace pour plaire à tees auditeurs, que de gémir sur eux et de ne pas se contenter de leur donner des conseils. Dans son entretien avec les Milésiens, il prononçait les mêmes paroles : « Pendant trois ans je n’ai cessé de vous avertir avec larmes » (Act. 20,31) : expression semblable à celle dont il se sert maintenant : « Je voudrais vous faire entendre ma « voix ». Nous sommes abattus par les malheurs qui ont fondu sur nous contre toute attente, et il ne nous reste plus qu’à verser des larmes. Ainsi donc, après les avoir gourmandés et les avoir confondus, et leur avoir parlé derechef avec douceur, il gémit sur leur sort, et dans ses plaintes il y a non seulement de quoi les effrayer, mais aussi de quoi flatter leur amour-propre. Il ne montre ni l’âpreté d’un homme qui fait des reproches, ni l’indulgence de celui qui cherche à plaire, mais il en fait un mélange qui donne à sa parole une force singulière de persuasion. Après avoir gémi sur eux, avoir provoqué leur attendrissement et augmenté leur sympathie, il reprend la discussion, et pose un argument plus considérable, à savoir que la loi ne veut pas qu’on l’observe. D’abord il avait fait intervenir l’exemple d’Abraham, maintenant c’est la loi elle-même qu’il fait intervenir, la loi recommandant qu’on cesse de l’observer et qu’on se retire d’elle. Argument plus puissant que les autres. Ainsi donc, leur dit-il, si vous voulez vous conformer à la loi, abandonnez-la, telle est sa volonté. Mais il ne leur parle pas ainsi, il arrive au même but par un autre moyen, et en prenant ses preuves dans l’histoire.
« Dites-moi, je vous prie, vous qui voulez être sous la loi, n’entendez-vous point ce que dit la loi (21) ? » Il a eu raison de dire « Vous qui voulez », car ce qui avait donné naissance à cette discussion, ce n’était point l’esprit de tradition, mais l’esprit de dispute qui s’était manifesté hors de propos chez les faux apôtres. Par la loi il désigne ici le livre de la création (la Genèse), ce qu’il fait souvent en appelant dé ce nom l’Ancien Testament tout entier. « Car il est écrit qu’Abraham a eu deux fils, l’un de la servante, et l’autre de la femme libre (22) ». Il en revient encore à Abraham, non pour se répéter, mais parce que, le nom de ce patriarche produisant beaucoup d’effet sur les Juifs, il veut montrer qu’il contenait en lui le germe et la première image de ce qui devait se passer alors. Il leur avait d’abord prouvé qu’ils étaient enfants d’Abraham, mais comme il n’y avait pas égalité de condition entre les enfants de ce patriarche, et qu’on faisait la distinction du fils de la femme libre, et du fils de la femme esclave, il va leur prouver désormais qu’ils ne sont pas seulement ses enfants, mais qu’ils le sont tous au même titre, qu’ils soient d’origine libre ou non. Telle est la puissance de la foi.
« Mais celui qui naquit de la servante, naquit selon la chair ; et celui qui naquit de la femme libre, naquit en vertu de la promesse de Dieu (23) ». Que veut-il faire entendre par ces mots. « Selon la chair ? » Après avoir dit que là foi nous rattache à Abraham, et comme il semblait incroyable à ceux qui l’écoutaient, qu’il pût dire que ceux qui n’étaient pas issus d’Abraham, que ceux-là étaient ses enfants, il leur prouve que ce fait si étrange date de bien plus loin. Car Isaac, qui n’était pas né dans les conditions naturelles et ordinaires du mariage, qui en réalité ne devait pas l’existence à t’œuvre de la chair, était pourtant fils, et fils légitime d’Abraham, quoique né d’un corps mort à la vie des sens et d’un sein épuisé par la vieillesse. Car ce n’est point la chair, ce n’est point la puissance procréatrice de ses parents qui causèrent sa naissance : le sein qui le porta était infertile et par suite de la vieillesse et par