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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/639

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Voilà ce que signifient ces mots : « Qui mettent leur gloire en des cérémonies charnelles ». Après avoir déjà montré, par d’autres raisonnements, qu’ils sont indignes de pardon, il les confond de nouveau en leur prouvant que le mobile de leur conduite n’a pas été seulement de plaire aux autres hommes, mais encore de satisfaire leur amour-propre. C’est pourquoi il a ajouté : « Afin qu’ils se glorifient en votre chair », vous ayant pour disciples, et jouant le rôle de maîtres. Et quelle preuve en donne-t-il ? « La loi n’est pas même observée par eux », dit-il. Quand même ils l’observeraient, ils seraient encore tout à fait indignes de pardon : or dès à présent leurs intentions mêmes sont coupables.
« Mais pour moi, à Dieu ne plaise que je me glorifie en autre chose qu’en la croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ (14) ». Pour lui, se glorifier est chose blâmable, mais quand il s’agit du monde et d’être glorifié par les infidèles s’il s’agit du ciel et des fidèles, ce n’est plus de la vanité, c’est une véritable gloire, et une grande. La pauvreté est chose honteuse, pour nous c’est chose glorieuse ; l’obscurité et l’humilité prêtent à rire à la plupart des hommes, nous nous en faisons gloire. C’est ainsi que la croix même est pour nous un sujet de glorification. Paul n’a pas dit : Je ne me glorifie pas, ou : Je ne veux pas me glorifier, mais : « À Dieu ne plaise que je me glorifie ». Il repousse cette idée comme déraisonnable, et invoque le secours de Dieu pour se préserver de ce péché. Et pourquoi a-t-on le droit de se glorifier de la croix ? Parce que Jésus-Christ a pris pour moi la forme d’un esclave, qu’il a souffert pour moi un vil esclave, un ennemi, un ingrat, et qu’il m’a aimé au point de se livrer pour moi. Où trouver rien de pareil ? Si des esclaves sont fiers, pour peu qu’ils soient loués par leurs maîtres, qui sont des hommes comme eux, comment ne devrons-nous pas nous glorifier, lorsque le Maître suprême, le vrai Dieu, n’a pas rougi de monter sur la croix pour nous ?
4. Ne soyons pas indignes de son ineffable bonté. Lui-même ne s’est pas indigné d’être mis en croix pour vous, et vous, vous rougiriez de reconnaître sa bonté infinie ? C’est comme si un prisonnier, qui n’aurait jamais rougi de son roi, en avait honte après que celui-ci et parce que celui-ci serait venu en personne dans sa prison pour lui ôter ses chaînes. Ce serait le comble de la démence, car c’est précisément alors qu’il faut être fier. « Par qui le monde est mort et crucifié pour moi, comme je suis mort et crucifié pour le monde ». Par le monde il ne désigne ni le ciel, ni la terre, mais les choses de la vie humaine, les louanges accordées par les hommes, l’éclat de la puissance, la gloire, la richesse, et tout ce que nous regardons comme brillant. Cela est mort pour moi. Voilà le chrétien tel qu’il doit être, voilà le langage qu’il doit toujours tenir. Mais ce premier genre de mort n’a pas suffi à Paul, il en a ajouté un autre en disant : « Et moi je suis mort pour le monde ». Il fait allusion à deux genres de mort, et dit : Et ces choses sont mortes pour moi, et moi je suis mort pour elles ; elles ne peuvent pas se saisir et s’emparer de moi, car elles sont bien et dûment mortes, pas plus que je ne puis les désirer, car je suis mort pour elles, moi aussi. Rien de plus heureux que cette mort : c’est sur elle que repose la vie heureuse. « Car la circoncision ne sert de rien, ni l’incirconcision, mais la nouvelle créature. Je souhaite la paix et la miséricorde à tous ceux qui se conduiront selon cette règle, et à l’Israël de Dieu (15, 16) ».
Voyez-vous à quelle hauteur il a été élevé par la puissance de la croix ? non seulement c’est par elle que toutes les choses de ce monde sont mortes pour lui, mais c’est encore elle qui l’a mis bien au-dessus des préceptes de l’ancienne loi. Quoi d’égal à une telle puissance ? Cet homme prêt à tuer comme à se laisser tuer pour la circoncision, la croix l’a persuadé, et le voilà qui ne tient pas plus de compte de la circoncision que de l’incirconcision, et qui s’est mis à la recherche de choses nouvelles et étranges, et supérieures au ciel lui-même. Ce qu’il appelle la nouvelle créature, c’est notre doctrine ; il l’appelle ainsi et pour ce qu’elle a produit et pour ce qu’elle produira : pour ce qu’elle a produit, parce que notre âme, vieillie dans le péché, a repris tout à coup par l’effet du baptême une nouvelle jeunesse et qu’elle a été en quelque sorte créée à nouveau ; ce qui fait qu’on exige de nous une vie nouvelle et conforme à nos célestes destinées : pour ce qu’elle produira, parce que le ciel et la terre et toute la création deviendront incorruptibles ainsi que nos corps.