Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/102

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

reconnût ainsi que c’était pour d’autres raisons que Jésus-Christ venait à ce baptême. C’est pour cela que saint Jean dit à Jésus lorsqu’il vient à lui : « C’est moi qui ai besoin d’être baptisé par vous, et vous venez à moi ? » Il ne dit pas : Et vous voulez que je vous baptise ? Car il n’osait parler de la sorte ; mais seulement : « Vous venez à moi ? » Que fait donc Jésus-Christ en cette rencontre ? « Et Jésus répondant lui dit : Laissez-moi faire pour cette heure : car c’est ainsi qu’il convient que nous accomplissions toute justice (15). » Il agit avec saint Jean comme il agit depuis avec saint Pierre. Cet apôtre refusait de se laisser laver les pieds par son maître. Mais quand il eut entendu cette parole : « Vous ne comprenez pas maintenant ce que je fais, mais vous le comprendrez après. » (Jn. 13,7) Et cette autre : « Vous n’aurez point de part avec moi (Ibid 8) ; » il cessa aussitôt de résister et il s’offrit même à faire plus qu’on ne lui avait demandé. De même lorsque saint Jean eut entendu ces paroles : « Laissez-moi faire maintenant : car c’est ainsi qu’il convient que nous accomplissions toute justice », il se résolut aussitôt de faire ce que Jésus lui commandait. Ces saints hommes n’étaient point opiniâtres ; mais ils montraient autant d’obéissance que d’amour, et ils n’avaient rien plus à cœur que de faire tout ce que leur commandait le maître.
Mais remarquez comment Jésus oblige Jean à le baptiser par les raisons mêmes pour lesquelles celui-ci ne croyait pas devoir le faire. Car il ne dit pas : « Il est juste », mais, « il convient. » Comme saint Jean croyait qu’il y avait de « l’inconvenance » à un serviteur de baptiser son maître, Jésus-Christ fait voir au contraire qu’il n’y en avait aucune. Vous hésitez, lui dit-il, à me baptiser, parce que vous le croyez contre la bienséance : c’est au contraire, parce que cela est dans la bienséance, que je viens recevoir votre baptême. Et il ne dit pas simplement « Laissez-moi faire », mais il ajoute : « maintenant. » Comme s’il disait Cela ne durera pas toujours : vous me verrez bientôt dans l’état où vous souhaitez de me voir ; mais maintenant, laissez-moi recevoir votre baptême.
Et pour marquer en quoi consistait cette bienséance, il ajoute : « Car c’est ainsi qu’il « faut que nous accomplissions toute justice. » La justice n’est autre chose qu’un parfait accomplissement de tous les commandements de Dieu. Comme nous avons, dit-il, accompli jusqu’ici tous ses ordres, et qu’il ne reste plus que ce dernier à exécuter, il faut nous en acquitter aujourd’hui. Je suis venu pour lever la malédiction où l’homme était tombé par la violation de la loi. Ainsi il faut que je commence par accomplir la loi parfaitement, afin que vous ayant délivrés de la condamnation, j’abolisse ensuite la loi même. C’est aussi pour cette raison que je me suis revêtu de votre chair, et que je suis venu en ce monde.
2. « Alors Jean ne lui résista plus (15). » « Et Jésus, après avoir été baptisé, ne fut pas plus tôt monté hors de l’eau, que les cieux lui furent ouverts ; et il vit l’Esprit de Dieu descendant en forme de colombe venant sur lui (16). » Les Juifs croyaient que saint Jean était beaucoup plus que Jésus-Christ, parce qu’il avait passé sa vie dans le désert ; qu’il était le fils d’un grand-prêtre ; qu’il portait un vêtement si austère ; qu’il appelait tout le monde à son baptême ; et enfin qu’il était né d’une mère stérile. Ils voyaient au contraire Jésus-Christ né d’une pauvre femme, dont le divin enfantement leur était entièrement inconnu. Ils savaient qu’il avait été élevé non dans le désert, mais dans une maison, comme les autres enfants, qu’il avait vécu au milieu des hommes, vêtu comme les autres, sans qu’il parût rien d’extraordinaire en sa personne. Ils le croyaient donc inférieur à saint Jean parce qu’ils ne savaient rien des divines merveilles de sa naissance. D’ailleurs le baptême que Jésus reçut de Jean était de nature à faire naître cette opinion, lui seul, et à la corroborer. On se disait que Jésus devait être un homme comme les autres, puisqu’il venait au baptême confondu dans la foule des autres, ce qu’il n’eût pas fait, pensait-on, s’il était supérieur au commun des hommes. Donc Jean passait pour plus grand que Jésus et était beaucoup plus admiré. Ce fut pour empêcher que, cette opinion ne se fortifiât de plus en plus dans les esprits, qu’après le baptême de Jésus, les cieux s’ouvrirent sur lui et qu’on entendit la voix du Père qui publiait la gloire de son Fils unique. « Et en même temps une voix du ciel se fit entendre : C’est là mon Fils bien-aimé, dans lequel j’ai mis toute mon affection (17). » Mais comme cette voix eût pu être appliquée par la plupart de ceux qui étaient là, plutôt à