Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/103

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

saint Jean qu’à Jésus-Christ, parce qu’elle n’avait pas dit : Celui qui vient d’être baptisé est mon Fils, mais simplement : « C’est là mon Fils « bien-aimé », parole que tout le monde eût bien plutôt crue de celui qui baptisait, que de celui qui était baptisé, à cause de la dignité de saint Jean-Baptiste, et des autres raisons que j’ai dites ; le Saint-Esprit descendit en forme de colombe, afin d’indiquer Jésus comme celui que désignait la voix, et de montrer que cette parole : « C’est là mon Fils », devait s’entendre de celui qui venait d’être baptisé, et non de celui qui le baptisait.
Mais comment se fait-il, me direz-vous, que les Juifs n’ont pas cru en Jésus-Christ, après avoir vu un si grand miracle ? Mais comment, vous demanderai-je à mon tour, se fait-il que sous Moïse, lorsque s’opéraient tant de miracles, qui, sans égaler celui-ci, étaient néanmoins si extraordinaires, comment se fait-il qu’après ces voix tonnantes, ces trompettes, ces éclairs, ces – tonnerres, et tant d’autres choses effrayantes, les Juifs ne laissèrent pas de se faire un veau d’or pour l’adorer, et de se consacrer aux sacrifices de Beelphégor ? Est-ce que ces mêmes Juifs, qui entendirent la voix céleste au baptême de Jésus-Christ, ne virent pas un peu plus tard, de leurs yeux, la résurrection de Lazare ? et néanmoins ils furent si éloignés de croire à l’auteur d’une si prodigieuse résurrection, qu’ils tentèrent plus d’une fois de tuer celui qui avait été ressuscité. Si donc la malignité de leur cœur ne se rendait pas en voyant de leurs yeux les morts ressuscités ; vous étonnez-vous s’ils ne se rendent pas à une voix qui vient du ciel, et qui ne frappe que leurs oreilles.
Lorsqu’une âme est ingrate et corrompue, et possédée de la passion de l’envie, il n’y a point de miracle qui puisse la guérir : comme au contraire, lorsqu’elle est simple et bien disposée, elle a peu besoin de miracles pour se rendre à Dieu. Ne demandez donc pas pourquoi les Juifs n’ont pas cru ; mais considérez si Dieu n’a pas fait tout ce qui était nécessaire afin qu’ils crussent. Au reste Dieu lui-même a pris soin de se justifier à cet égard, et comme il voyait les Juifs endurcis et opiniâtrés à se perdre, sans que rien les pût sauver de la dernière punition, il a voulu au moins empêcher que l’on ne fît retomber sur sa bonté, ce qui ne doit être imputé qu’à leur malice, en disant : « Qu’ai-je dû faire à ma vigne, que je ne lui aie pas fait ? (Is. 5,4) » C’est donc là ce que nous devons considérer ici, savoir si Dieu, pour rendre ce peuple fidèle, devait faire quelque chose qu’il n’ait pas fait. Que si, mes frères, vous voyez quelqu’un qui accuse ainsi la providence de Dieu, et qui veuille la rendre responsable de la malice des hommes ; vous lui ferez la réponse que vous venez d’entendre.
Mais réservons à parler ailleurs contre l’infidélité des Juifs, et arrêtons-nous maintenant à considérer le grand miracle qui arriva tout après le baptême du Sauveur, et qui était le prélude de ceux qui allaient bientôt s’opérer. Car c’est le ciel seulement, et non pas le paradis qui s’ouvre alors : « Jésus ne fut pas plus tôt baptisé, que les cieux lui furent ouverts. » Pourquoi le ciel s’ouvrit-il lorsque Jésus-Christ fut baptisé ? Pour vous apprendre que la même chose arrive invisiblement à votre baptême où Dieu vous appelle à votre patrie qui est dans le ciel, et vous excite à ne plus avoir rien de commun avec la terre. Quoique ce miracle ne s’opère pas visiblement pour vous, ne laissez cependant pas que d’y croire.
Dieu, dans la première institution de ses mystères, a coutume de faire voir quelque signe et quelque prodige extérieur pour les âmes les plus grossières, qui ne peuvent comprendre rien de spirituel, et qui ne sont touchées que de ce qui frappe les sens ; afin que lorsqu’on nous propose ces mêmes mystères, sans être accompagnés de ces miracles, nous les embrassions aussitôt avec une foi ferme et docile. Ainsi lorsque le Saint-Esprit descendit sur les apôtres, on entendit le bruit d’un souffle violent, et il parut des langues de feu. Et ce miracle ne se fit point pour les apôtres, mais pour les Juifs qui étaient présents. Si nous ne voyons plus maintenant les mêmes signes, nous recevons néanmoins les mêmes grâces, dont ces signes étaient la figure.
3. Il parut alors une colombe sur Jésus-Christ, afin qu’elle fût comme un doigt du ciel, qui indiquât et aux Juifs et à saint Jean que Jésus-Christ était Fils de Dieu. De plus, elle devait apprendre à chacun de nous, que lorsqu’il est baptisé, le Saint-Esprit descend dans son âme, quoique ce ne soit plus dans une forme visible parce que nous n’en avons plus besoin, et que la foi maintenant suffit seule sans aucun miracle. Car les miracles, comme dit saint Paul, ne sont pas pour les fidèles, mais pour les infidèles.