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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/109

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il use d’un artifice qui lui paraît propre pour en découvrir le secret. « Si », dit-il, « vous êtes le Fils de Dieu, dites que ces pierres deviennent du pain. » Il ne lui dit pas, « puisque vous avez faim : » mais « si vous êtes le Fils de Dieu », espérant le piquer de vaine gloire et le gagner par ces louanges. Il ne lui parle pas même du besoin de manger où il était, de peur qu’en le lui représentant il ne parut lui faire quelque reproche. Ne comprenant pas la grandeur de cet abaissement si divin de Jésus-Christ, il s’imaginait que cet état lui était honteux. Il aime donc mieux le flatter avec adresse et ne lui représenter que sa grandeur et sa dignité. Que fait Jésus-Christ ? Il réprime cet orgueilleux, et pour montrer que l’état où il était n’était ni honteux ni indigne de sa sagesse, il découvre lui-même ce que le démon avait caché pour le flatter. « Mais Jésus lui répondit : Il est écrit : « L’homme ne vit pas de pain seul, mais « de toute parole qui sort de la bouche de Dieu (4). » Jésus-Christ ne rougit point de marquer par ces premières paroles la nécessité de manger, qui lui était commune avec tous les autres hommes. Mais considérez ici la malice et l’adresse du démon, par où il commence le combat, et comme il n’a pas oublié ses anciens artifices. Il avait déjà vaincu le premier homme par l’intempérance, il l’avait engagé ainsi dans une infinité de maux, et il voulait encore tendre ici le même piège pour y prendre Jésus-Christ. Nous voyons plusieurs personnes insensées qui déclament contre la nécessité du manger, et qui la regardent comme la source de tous les maux. Mais Jésus-Christ nous fait bien voir aujourd’hui que cette nécessité même, quoique si violente, n’oblige jamais une personne vraiment vertueuse à rien faire qui soit indigne d’elle. Car il a faim, et néanmoins il ne fait rien de ce que le démon lui suggère, pour nous apprendre que nous ne devons jamais rien croire de ce que nous conseille cet ennemi. Comme c’est par là qu’Adam a offensé Dieu, et violé sa loi ; Jésus-Christ nous fait voir ici qu’il ne faudrait pas écouter le démon, quand même il ne nous porterait point à désobéir à Dieu. Mais que dis-je à désobéir à Dieu ? L’exemple de Jésus-Christ vous fait voir que quand les démons vous diraient même quelque chose de véritable, vous ne devez point les croire. Il fit taire les démons qui publiaient qu’il était le Fils de Dieu, saint Paul de même leur imposa silence un jour, quoique ce qu’ils publiaient alors fût très véritable : il les méprise et les humilie surabondamment et pour mieux dissiper les pièges qu’ils nous pourraient tendre pour nous perdre, il les fait taire lors même qu’ils publiaient les dogmes salutaires de la vérité ; il leur ferme la bouche, et il ne leur permet pas de parler. C’est pour la même raison que Jésus-Christ n’écoute rien ici de ce que le démon lui propose, mais il lui répond simplement : « L’homme ne vit pas de pain « seul, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu ; » comme s’il eût dit : Dieu peut d’une seule parole remédier à la faim de l’homme et le nourrir. Et il cite un passage de l’Ancien Testament, afin de nous apprendre que ni la faim, ni la soif, ni aucune souffrance ne doivent jamais nous porter à nous séparer de Dieu.
3. Que si quelqu’un dit que Jésus-Christ devait faire le miracle que le démon lui demandait, je lui demanderai pour quelle raison et pourquoi ? Si le démon faisait cette demande, ce n’était pas qu’il voulût croire lui-même, mais c’était qu’il espérait convaincre Jésus-Christ d’incrédulité. Ce n’es-t pas autrement qu’il trompa nos premiers parents, et qu’il fit voir leur infidélité envers Dieu. Il leur fit des promesses contraires aux affirmations de Dieu, les enfla de vaines espérances, les rendit infidèles, et leur fit perdre les grands biens dont ils jouissaient. Mais Jésus-Christ refuse ici au démon, et ensuite aux Juifs qui étaient poussés par cet esprit de malice, de faire les miracles qu’ils lui demandaient, toujours pour nous apprendre, que quand même nous pourrions lare des miracles, nous n’en devrions point faire inutilement, ni sans grande nécessité, et que nous ne devons point céder au démon dans quelque extrémité que nous nous trouvions réduits.
Que fait donc le méchant lorsqu’il se voit vaincu, et qu’il ne peut persuader ce qu’il voudrait à Jésus-Christ lors même qu’il est pressé d’une si extrême faim ? Il a recours à un autre artifice. « Alors le démon le transporta dans la ville sainte, et le mettant sur le haut du temple (5), lui dit : Si vous êtes le fils de Dieu, jetez-vous en bas, car il est écrit : Il ordonnera à ses anges d’avoir soin de vous, et ils vous soutiendront de leurs mains, de peur que