Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/119

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délivrer, et lorsque notre âme est dans une langueur mortelle, nous hésitons et nous différons toujours ? C’est pourquoi nous ne sommes pas même guéris de nos maladies corporelles : c’est parce que nous tenons pour superflues les choses nécessaires, et pour nécessaires les superflues. Nous entretenons la source des maux qui nous accablent, et nous voulons en purifier les ruisseaux. Car les maux du corps sont souvent la peine des maux de l’âme. Nous le voyons assez par ce paralytique de trente-huit ans ; et par cet autre qu’on descendit du toit pour le présenter devant Jésus-Christ. Nous le voyons encore dès le commencement du monde, par ce que l’Écriture dit de Caïn ; et en un mot, il y a mille preuves de cette vérité.
Pensons donc premièrement à tarir la source du mal, et après cela nous en tarirons les ruisseaux, qui sont les maladies corporelles. La paralysie n’est pas la seule langueur que nous devions craindre ; le péché en est une autre bien plus grande, et qui surpasse autant cette première, que l’âme, est plus noble que le corps. Approchons-nous, mes frères, de Jésus-Christ, aussi bien que ces peuples, et conjurons-le qu’il fasse cesser la paralysie de nos âmes. Bannissons toutes les pensées d’ici-bas, et n’estimons que les choses spirituelles.
Que si vous ne pouvez quitter tout à fait les soins de cette vie, ne vous y appliquez au moins qu’après avoir pensé à votre salut. Ne négligez pas vos fautes, parce que vous n’êtes aiguillonnés d’aucun remords lorsque vous les faites. Gémissez au contraire de ce que vous ressentez si peu de douleur de vos péchés. La cause de cette insensibilité ne vient pas de ce que le péché n’a rien qui pique et qui blesse, mais de ce que votre cœur est assez endurci pour n’en point sentir la plaie. Pour bien comprendre ce que je vous dis, considérez ceux qui sont touchés de la douleur de leurs fautes. N’est-il pas vrai qu’ils jettent souvent de plus grands cris que ceux même que l’on coupe et que l’on brûle ? Que ne font-ils point, que ne souffrent-ils point pour se délivrer des remords de leur conscience ? Comment pourraient-ils agir de la sorte, si leur âme n’était percée de douleur ?
4. Ainsi le premier bonheur de l’homme est de ne point pécher, mais le second est de sentir au moins et de pleurer son péché. Si ce sentiment nous manque, comment prierons-nous Dieu de nous pardonner, dans l’insensibilité où nous sommes ? Lorsque vous, qui avez péché, vous ne vous mettez pas seulement en peine de savoir si vous avez péché, comment pourrez-vous implorer la miséricorde de Dieu ? Le prierez-vous de vous pardonner des péchés que vous ne connaissez pas ? Et dans cette ignorance comment pourrez-vous être touché de la grandeur de ses bienfaits ? Considérez donc en vous-même quels sont vos péchés, afin de savoir au moins ce que Dieu vous pardonne et de n’être pas ingrat envers votre bienfaiteur.
Lorsque vous avez offensé un homme qui a du pouvoir et du crédit, vous priez ses amis et ses proches, vous gagnez les bonnes grâces de ses domestiques, vous leur donnez beaucoup, vous employez plusieurs jours à redoubler vos prières. Quand celui que vous avez offensé vous rejetterait une ou deux, ou même mille fois, vous ne vous rebutez pas et vous renouvelez au contraire vos importunités et vos instantes prières.
Nous agissons de la sorte pour apaiser un homme, et lorsque nous avons irrité Dieu contre nous, nous continuons à notre ordinaire à passer le temps dans les divertissements, dans les délices, dans la bonne chère, et nous ne changeons rien à notre genre de vie accoutumé. Est-ce là le moyen de nous le rendre favorable ? Et ne l’irritons-nous pas plutôt encore davantage contre nous ? Cette insensibilité que nous témoignons après avoir péché, l’offense sans comparaison davantage que le péché même. Nous devrions nous enfouir sous terre, ne plus oser ni regarder le soleil, ni respirer, nous qui, ayant un si bon Maître, osons l’irriter, et qui n’avons même aucun regret des offenses par lesquelles nous l’irritons.
La bonté de Dieu est si grande, que lors même qu’il se met en colère contre nous, bien loin de nous haïr, il ne le fait que pour nous attirer à lui par ses menaces. Lorsque vous l’outragez par vos crimes, s’il continuait de vous témoigner de l’amour, ne vous porteriez-vous pas à le mépriser de plus en plus ? Pour éviter donc un si grand mal, il vous témoigne de l’aversion pour un peu de temps, afin de vous sauver pour jamais.
Ayons confiance en sa miséricorde et témoignons par nos actions que nous nous appliquons sérieusement à la pénitence ; avant que d’être surpris par ce jour effroyable, où tous