Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/120

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nos regrets seront inutiles. Car maintenant tout dépend encore de vous ; mais alors votre arrêt sera irrévocable, et il ne dépendra plus que de votre Juge : « Prévenons sa face », comme dit l’Écriture, « en confessant nos péchés. Pleurons et soupirons en sa présence. » (Ps. 94,6) Si nous sommes assez heureux pour fléchir notre Juge et le porter à nous pardonner avant qu’il prononce la sentence, nous n’aurons plus besoin ensuite d’intercesseur auprès de lui, comme au contraire si nous négligeons cet avis, il nous fera paraître un jour en présence de toute la terre, il examinera toutes nos fautes aux yeux de toute la terre, et il ne nous restera plus alors aucune espérance de pardon. Si nous ne nous guérissons maintenant de nos péchés, nous ne pourrons pas éviter alors d’en être punis.
Comme nous voyons que ceux qu’on tire ici des prisons sont présentés tout enchaînés devant le Juge ; ainsi les âmes sortant de ce monde paraîtront chargées des chaînes de leurs péchés devant ce redoutable tribunal. Car dans la vérité cette vie n’est point différente d’une prison. Et comme, lorsque nous entrons dans ces tristes lieux, nous voyons de tous côtés des personnes chargées de chaînes ; de même si nous retirions notre esprit des apparences du dehors pour sonder les âmes des hommes, et pour en pénétrer les replis, nous les verrions chargées de chaînes beaucoup plus pesantes et plus dures que le fer. Les riches sont dans ce malheur encore plus que les autres. Car plus ils ont de biens, plus ils ont de chaînes.
Que si vous ne pouvez voir sans compassion un prisonnier qui a le cou et les mains et souvent même les pieds chargés de fers ; de même quand vous voyez-un homme dans l’abondance de toutes sortes de biens, plaignez son état et ne l’en estimez pas plus riche, mais plus malheureux. Car non seulement il est chargé de liens, mais il a un geôlier dans sa prison qui le garde sans cesse et qui l’empêche d’en sortir, l’amour des richesses. C’est cet amour qui le charge de mille chaînes, qui multiplie ses gardes ; qui ferme sur lui porte sur porte et serrure sur serrure, et qui le renfermant dans une prison encore plus noire et plus intérieure, lui fait trouver sa joie et ses délices dans ses liens même, afin qu’il ne lui reste plus aucune espérance de se délivrer de tous ces maux.
Que si vous voulez pénétrer encore plus avant dans l’âme de ce riche, vous verrez que non seulement elle est liée de toutes parts, mais qu’elle est affreuse, horrible à voir et toute pleine de vers. Car les délices de cette vie ne sont pas moins pernicieuses que ces animaux. Elles le sont même encore davantage, puisqu’elles corrompent en même temps le corps et l’âme, et qu’elles causent à l’un et à l’autre une infinité de maux. C’est pourquoi, mes frères, conjurons le libérateur de nos âmes, de rompre nos liens et d’éloigner de nous ce tyran si cruel, afin que nous ayant dégagés de ces pesantes chaînes, il donne des ailes à notre âme pour élever à lui toutes nos pensées. Mais offrons-lui nos prières et joignons-y tout ce qui dépend de nous, zèle et bonne volonté. C’est ainsi que nous pourrons nous délivrer en peu de temps des maux qui nous assiègent, que nous reconnaîtrons enfin dans quel triste état nous avons été, et que nous jouirons de cette liberté divine où je prie Dieu de nous établir, par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui est la gloire et l’empire, avec le Père et le Saint-Esprit, dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.