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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/124

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fâcheuse, Jésus-Christ l’adoucit par la promesse qui était la plus propre pour en ôter toute l’amertume. Si vous voulez donc être consolé, pleurez. Et ne pensez point que ceci soit une énigme. Quand vous seriez accablé d’un déluge d’afflictions, si Dieu vous console lui-même, vous vous trouverez au-dessus de tous vos maux.
Dieu donne toujours à nos travaux de plus grandes récompenses qu’ils ne méritent. Cette promesse qu’il fait ici en est une preuve. Quand il appelle heureux ceux qui pleurent, ce bonheur n’est point un bonheur proportionné au mérite de celui qui le reçoit, mais à la bonté de Dieu qui le donne. Ces personnes qui pleurent, pleurent leurs péchés, et elles seraient déjà trop bien récompensées de leurs larmes, si elles pouvaient apaiser la colère de Dieu et recevoir de lui le pardon de tous leurs crimes. Mais comme l’amour de Dieu envers nous n’a point de bornes, il ne le termine pas à nous pardonner nos péchés ou à nous délivrer des peines qu’ils méritaient, mais de plus il nous rend heureux et nous comble de ses consolations divines.
Jésus-Christ ne nous commande pas de pleurer seulement pour nos péchés, mais encore pour ceux de nos frères. C’est la disposition où ont été toutes les âmes saintes, comme Moïse, David et saint Paul. Tous ces hommes ont souvent versé des larmes pour les péchés que les autres avaient commis. « Heureux ceux qui sont doux, parce qu’ils posséderont la terre (5). » Quelle est cette terre qu’ils posséderont ? Ce n’est pas, comme disent quelques-uns, une terre intelligible et spirituelle, puisque nous ne trouvons point que l’Écriture ait jamais parlé d’une terre de cette sorte. Que devons-nous donc entendre par cette terre ? Premièrement il promet une récompense sensible, comme saint Paul a dit : « Honorez votre père et votre mère, afin que vous viviez longtemps sur la terre. » (Eph. 6,2) Et comme Jésus-Christ même dit au bon larron : « Vous serez aujourd’hui avec moi dans le paradis. » (Lc. 23,43) Jésus-Christ ne promet pas seulement les biens à venir, mais encore les biens présents pour condescendre aux personnes plus grossières, qui souhaitent d’être heureuses dans ce monde, avant que de l’être dans l’autre. C’est dans ce même esprit qu’il dit un peu après : « Accordez-vous au plus tôt avec votre adversaire ;» et qu’il ajoute ensuite : « de peur qu’il ne vous livre au juge et le juge au ministre de la justice. » (Id. 25) Il menace non pas d’une peine future, mais d’un supplice présent ; comme il fait encore lorsqu’il dit : « Quiconque dira à son frère, Raca, méritera d’être condamné par le conseil. » (Id. 22). C’est ainsi que saint Paul promet souvent des récompenses sensibles, comme il tâche aussi de nous détourner du péché par des peines présentes. Par exemple, lorsqu’il traite de la virginité, et qu’il y invite ses auditeurs, il ne leur dit rien encore des biens du ciel, mais il prend ses motifs dans la vie présente : « Je crois », dit-il, « qu’il est avantageux à l’homme de ne se point marier, à cause des fâcheuses nécessités de la vie présente. » (1Cor. 7,26) Et ensuite : « Les personnes mariées sentiront dans la chair des afflictions et des maux. Or je voudrais vous les épargner. » (Id. 28) Et au – même endroit : « Je désire vous voir dégagés de soins et d’inquiétudes. » (Id. 32) Jésus-Christ mêle de même ici les considérations temporelles aux éternelles. Et comme l’homme doux passe d’ordinaire pour laisser perdre ses biens, le Seigneur promet au contraire qu’il les possédera plus sûrement que l’homme violent et orgueilleux, lequel perdra souvent son patrimoine et jusqu’à son âme. D’ailleurs comme le Prophète avait dit dans l’Ancien Testament que « les doux hériteraient de la terre », Jésus-Christ fait, entrer dans le tissu da son discours ces paroles familières aux. Juifs, pour ne pas paraître leur tenir un langage trop nouveau. Toutefois Jésus-Christ, en promettant la terre, ne termine pas là ses récompenses, mais il y joint celles de l’autre vie. Lorsqu’il promet des biens spirituels, il ne nous ôte pas les temporels ; et d’un autre côté lorsqu’il promet les biens de ce monde, il ne s’en tient jamais là, mais il complète toujours sa promesse par les biens futurs : « Cherchez premièrement le royaume de Dieu », dit-il, « et toutes ces choses vous seront données par surcroît. » (Mt. 6,33) Et ailleurs : « Quiconque abandonnera pour moi sa maison, ou ses frères, ou ses sœurs ou son père, ou sa mère, ou sa « femme, ou ses enfants, ou ses terres, en recevra cent fois autant, et aura pour héritage la vie éternelle. » (Mt. 19,29)
4. « Heureux ceux qui ont faim et soit de la « justice, parce qu’ils, seront rassasiés (6). » Quelle est cette justice dont il parle ? C’est ou