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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/125

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cette vertu en général, ou seulement celle de ses parties qui est la plus opposée à l’avarice. Comme il va recommander l’aumône et la miséricorde, il montre par avance comment on doit la pratiquer, c’est-à-dire, non de ses larcins ou de ses rapines ; c’est ce qu’il fait entendre en appelant heureux ceux qui aiment la justice. Mais remarquez, avec quelle énergie d’expression il parle de cet amour. Il ne dit pas simplement : Heureux ceux qui gardent la justice ; mais « heureux ceux qui ont faim, et qui ont soif de la justice », afin que nous la pratiquions non pas froidement, mais avec toute l’ardeur possible. Comme c’est le propre de l’avarice d’être ardente à amasser du bien, et qu’on a d’ordinaire moins de passion pour le boire et pour le manger, que les avares n’en ont pour augmenter leurs richesses ; Jésus-Christ veut que nous transportions cette ardeur à la pratique de la vertu opposée à l’avarice. Il nous propose encore ici une récompense sensible, « parce qu’ils seront rassasiés. »
Parce qu’on croit d’ordinaire que l’avarice enrichit les hommes, il montre au contraire que c’est la justice qui procure ce bienfait. Ne craignez donc plus la pauvreté ni la faim ; lorsque vous pratiquerez la justice. Ce sont principalement ceux qui ravissent le bien des autres, qui perdent eux-mêmes ce qu’ils ont, comme au contraire celui qui aime la justice possède son bien en toute sûreté. Que si ceux qui ne prennent point le bien d’autrui, doivent jouir un jour d’une si grande abondance, quel sera le bonheur de ceux qui renoncent à tout ce qu’ils possédaient sur la terre ? « Heureux ceux qui sont miséricordieux, parce qu’on leur fera miséricorde (7). » Ici Jésus-Christ parle, selon moi, de tous ceux qui pratiquent la miséricorde non seulement par le moyen des richesses, mais encore par toutes sortes de bonnes œuvres. Il y a plusieurs manières d’exercer la miséricorde, et ce commandement est d’une très grande étendue. Quelle doit en être donc la récompense ? « Parce », dit-il, « qu’ils recevront miséricorde. » Il semble d’abord que cette récompense ne soit qu’égale au bien qu’on aura fait ; mais elle est infiniment plus grande. Les hommes exercent la miséricorde en hommes mais Dieu leur fera miséricorde en Dieu. Il y a bien de la différence entre la compassion d’un homme, et celle d’un Dieu : et elles sont aussi éloignées l’une de l’autre, que la malice l’est de la bonté. « Heureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu’ils verront Dieu (8). » Remarquez que cette récompense est toute spirituelle. Ceux-là selon Jésus-Christ, ont le cœur pur, qui ont une vertu générale et universelle, et qui ne se sentent coupables de rien, ou qui possèdent la chasteté dans un degré éminent. Car il, n’y a point de vertu qui nous soit plus nécessaire pour mériter de voir Dieu. Ce qui fait dire à saint Paul : « Tâchez d’avoir la paix avec tout le monde, et de conserver la pureté sans laquelle personne ne verra Dieu. » (Héb. 11,14) Cette vue de Dieu qu’il promet, doit s’entendre de celle dont les hommes sont capables.
Ce commandement était nécessaire. Plusieurs sont assez charitables, s’abstiennent de la rapine, ne connaissent pas l’avarice, mais ils se livrent à l’impureté et à la fornication ; or cela ne peut suffire, et c’est pour le montrer que Jésus-Christ ajoute ensuite ce précepte. Saint Paul enseigne la même chose dans son épître aux Corinthiens lorsqu’il rend aux Macédoniens le témoignage qu’ils s’étaient enrichis non seulement par l’aumône, mais par toute sorte de vertus. Car après avoir parlé de la libéralité avec laquelle ils avaient secouru les pauvres de leur argent, il ajoute aussi qu’ils s’étaient donnés au Seigneur. Car parlant de la libéralité avec laquelle ils avaient secouru les pauvres, il dit : Qu’ils s’étaient donnés premièrement eux-mêmes à Dieu. « Heureux les pacifiques, parce qu’ils seront appelés enfants de Dieu (9). » Jésus-Christ par ces paroles, non seulement nous défend les discussions et les haines ; il exige quelque chose de plus, il veut que nous travaillions à réconcilier entre eux ceux qui sont divisés. Il promet encore ici une récompense spirituelle « Ils seront », dit-il, « appelés enfants de Dieu ; » ça a été en effet l’œuvre propre du Fils unique de Dieu, de réunir ce qui était divisé, et de réconcilier ceux qui étaient ennemis. Mais afin que l’on ne croie pas qu’il n’existe point d’autre bien que la paix, il ajoute ensuite : « Heureux ceux qui souffrent persécution pour la justice, parce que le royaume du ciel est à eux (10). » Ceux qui souffrent « pour la justice », c’est-à-dire, pour la vertu ; pour la piété, et pour la défense du prochain, car il entend d’ordinaire par ce mot « de