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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/127

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sont les miséricordieux ; » mais ici il détermine les personnes, et s’adressant spécialement à ses disciples, il leur dit : « Vous êtes bienheureux lorsque les hommes vous diront des paroles outrageuses, et qu’ils publieront toute sorte de mal de vous ; » pour montrer que ce serait là particulièrement leur partage, et que les prédicateurs de l’Évangile devaient s’y attendre plus que tous les autres.
Il laisse encore entrevoir dans ces paroles sa grandeur et son égalité avec son père. Les prophètes, semble-t-il dire, ont souffert ces traitements à cause de mon Père ; vous les souffrirez, vous autres, à cause de moi ; et lorsqu’il dit : « Les prophètes qui ont été avant vous », il montre qu’ils sont eux-mêmes devenus prophètes. Puis, pour leur faire comprendre que rien n’était pour eux plus utile ni plus glorieux que la persécution, il ne leur dit pas : Les hommes voudront mal parler de vous ; ils voudront vous persécuter ; mais je m’opposerai à eux, et je les empêcherai de le faire. Il veut que ses apôtres se mettent au-dessus de toute la malignité des hommes, non en n’étant point exposés à leurs médisances, mais en les souffrant avec courage, et en en faisant voir la fausseté par l’innocence et la sainteté de leur vie. Car l’un est bien plus glorieux que l’autre ; car être frappé et ne pas ressentir les coups c’est bien plus que de n’être point frappé. C’est pour ce sujet que Jésus-Christ dit : « Car une grande récompense vous est réservée dans les cieux. »
Mais saint Luc nous apprend que Jésus-Christ s’est plus étendu en cet endroit, et a dit des choses qui peuvent nous consoler davantage. Car il ne dit pas seulement : bienheureux ceux qui souffrent l’injure à cause de Dieu, mais il dit encore malheur à ceux dont tout le monde dira du bien. « Malheur à vous », dit-il, « lorsque tous les hommes diront du bien de vous. » (Luc 6,26) Cependant les hommes bénissaient les apôtres ; mais non pas « tous. » C’est pourquoi Jésus-Christ ne dit pas : « Malheur à vous lorsque les hommes », mais, lorsque « tous les hommes diront du bien de vous. » Car il est impossible que ceux qui sont véritablement vertueux soient loués de tous les hommes.
Jésus-Christ ajoute ensuite « Lorsqu’ils rejetteront votre nom comme mauvais, réjouissez-vous alors, et tressaillez de joie. » (Luc 6,22) Il leur promet de les récompenser, non seulement pour les périls et les mauvais traitements auxquels ils auront été exposés pour lui, mais encore pour les médisances et les calomnies qu’on aura publiées contre eux. C’est pourquoi il ne dit pas : Lorsqu’ils vous persécuteront et qu’ils vous tueront ; mais « lorsqu’ils publieront faussement toute sorte de mal de vous. » Car il y a quelque chose dans les calomnies, qui pénètre plus avant dans nos cœurs, que ne font souvent les mauvais traitements même. Dans les dangers, nombre de consolations adoucissent la peine ; c’est par exemple, la voix publique qui encourage l’athlète, qui l’applaudit, le couronne, et proclame son triomphe. Mais dans la calomnie nous perdons même toutes ces consolations. On ne se figure pas que c’est la plus poignante persécution ; on s’imagine qu’il ne faut qu’une vertu médiocre pour la supporter avec patience, quoiqu’on en ait vu recourir au fatal lacet pour se soustraire au supplice d’une mauvaise réputation. Et pourquoi s’étonner qu’il en soit ainsi chez les autres hommes, quand on voit un Judas, ce traître, ce déhonté, ce scélérat qui s’était fait un front à ne plus rougir de rien, céder lui-même à l’infamie et se pendre plutôt que de la supporter plus longtemps.
6. Et Job, ce cœur de diamant, cet homme plus ferme que le roc, lorsqu’il fut dépouillé de ses biens, frappé de calamités intolérables et privé de tous ses enfants, lorsqu’il vit les vers sourdre de son corps et qu’il entendit sa femme l’accabler de reproches, il supporta tout cela avec facilité ; mais lorsqu’il vit ses amis parler mal de lui, et croire qu’il ne souffrait ces malheurs que pour ses péchés, il ne put s’empêcher de se troubler alors, et son grand cœur se sentit ébranlé de cette injure. David aussi oublie toutes ses autres souffrances, et prie Dieu seulement de se souvenir de la douceur avec laquelle il souffrit un médisant : « Laissez-le », dit-il alors, « qu’il me maudisse, parce que le Seigneur lui en a donné l’ordre, afin qu’il voie l’affliction où je suis réduit, et qu’il me récompense un jour de ces calomnies que je souffre. » Saint Paul ne loue pas seulement les saints pour avoir souffert des maux ou la perte de leurs biens, mais encore pour avoir enduré des injures et des outrages. « Rappelez », dit-il, en « votre mémoire ce premier temps, auquel, après avoir été illuminés, vous avez soutenu de grands combats, dans les afflictions