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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/140

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de ces commandements, et qui enseignera les hommes à les violer, sera des derniers dans le royaume des cieux ; mais celui qui fera et enseignera, sera grand dans le royaume des cieux (19). »
Après avoir prévenu le soupçon que la malice de ses ennemis pouvait former contre lui, et fermé la bouche à ceux qui le voudraient contredire, il commence à épouvanter ses auditeurs, et menace d’un supplice effroyable ceux qui violeraient ces nouvelles ordonnances. Car pour voir que ceci ne doit pas s’entendre de la loi ancienne mais de celle qu’il établit, écoutez la suite : « Je vous dis que si votre justice n’est plus abondante que celle des docteurs de la loi et des pharisiens, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux. »Si ces menaces eussent été contre les violateurs de la loi, pourquoi dirait-il : « Si votre justice n’est plus abondante que celle des pharisiens ? » Ce n’était pas avoir une justice abondante que de faire ce que faisaient les Pharisiens. Cette abondance de justice consistait donc à ne se mettre point en colère, et à ne pas jeter un regard impur sur une femme. Mais pourquoi appelle-t-il ces préceptes petits, quoique si grands et si relevés ? C’est parce qu’il en était l’auteur. Comme il s’humiliait en tout et ne parlait jamais de lui qu’avec une grande modestie, il garde la même conduite en parlant de ses préceptes, pour nous apprendre à être humbles en toutes choses. D’ailleurs comme il pouvait être suspect d’établir de nouvelles lois, il tâche d’éloigner de lui ce soupçon, par l’humilité de ses paroles.
4. Ce mot, « il sera le plus petit dans le royaume des cieux », ne marque autre chose que les supplices de l’enfer. Jésus-Christ entend par ce mot « de royaume des cieux, »non seulement la jouissance des biens du ciel, mais encore la résurrection, et le moment de son avènement terrible. Car quelle apparence y aurait-il que celui qui a appelé son frère fou, et qui a violé un seul commandement, soit précipité dans l’enfer, et que celui qui les violerait tous, et porterait les autres à les violer, trouvât place dans le royaume du ciel ? Lors donc qu’il dit : « Que celui-là sera des « derniers dans le royaume des cieux », il veut dire qu’il sera du nombre de ceux qui seront rejetés de Dieu. Et ceux-là certainement seront précipités dans l’enfer.
De plus, Jésus-Christ étant Dieu, prévoyait la lâcheté de plusieurs, et que des personnes taxeraient un jour ses paroles d’exagération, et diraient : comment peut-on croire que pour appeler son frère insensé, l’on soit éternellement puni ; ou que pour avoir jeté les yeux sur une femme, on devienne adultère ? C’est pourquoi voulant empêcher les hommes de tomber dans ce mépris de sa loi, il menace également ceux qui la violeraient, ou qui porteraient les autres à la violer. Que la sévérité donc de ces menaces nous retienne, et nous empêche de violer cette loi sainte, ou de la faire violer à ceux qui la voudraient garder. « Mais celui qui fera et qui enseignera sera grand. » Les hommes ne doivent pas procurer seulement leur utilité particulière, mais encore celle des autres. La récompense ne sera pas égale pour celui qui ne pense qu’à lui-même, et pour celui qui en se sauvant, sauve les autres avec lui. Comme celui qui prêche et ne fait pas ce qu’il dit, se condamne lui-même selon saint Paul : « Vous qui instruisez les autres, « vous ne vous instruisez pas vous-même (Rom. 2,21) ; » ainsi celui qui fait le bien et n’enseigne pas aux autres à le faire, perd beaucoup de sa récompense. Il faut donc travailler à l’un et à l’autre, et après s’être appliqué à se corriger soi-même, il faut étendre ensuite sa vigilance et sa charité sur ses frères. C’est pourquoi Jésus-Christ dit qu’il faut faire, et puis enseigner. Il met la pratique avant l’instruction, pour montrer qu’on ne peut enseigner utilement sans avoir auparavant pratiqué ce qu’on enseigne ; qu’autrement on nous dira : « Médecin, guérissez-vous vous-même. » Celui qui, ne pouvant se régler lui-même, se mêle d’instruire les autres, s’expose à être moqué de ceux qui l’écoutent, et toutes ses instructions seront sans fruit, parce qu’il détruira par ses actions ce qu’il établira par ses paroles. « Mais celui qui fera et qui enseignera « sera grand dans le royaume des cieux. « Car je vous dis que si votre justice n’est plus abondante que celle des docteurs de la loi et des pharisiens, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux (20). » Jésus-Christ, ici, sous le mot de « justice », comprend toutes les vertus. C’est ainsi que l’Écriture exprime la vertu de Job en-disant : « C’était un homme juste et irrépréhensible. » Saint Paul suivait cette règle, lorsqu’il appelle juste celui pour qui il dit que la loi n’est point établie : « La loi », dit-il, « n’est pas pour le juste « (1Tim. 2,9) »,