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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/146

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causent des inimitiés immortelles ; déchirent les membres de Jésus-Christ ; bannissent la paix qui est si chérie de Dieu ; ouvrent au démon par ces injures une entrée dans les âmes et lui donnent des armes pour les blesser et pour les perdre.
Aussi, est-ce pour énerver la puissance du démon que Jésus-Christ a porté cette loi. Au reste il n’y a rien qu’il estime tant que la charité. Elle est la mère de tous les biens ; la marque des disciples de Jésus-Christ, et la gardienne de toutes les vertus. C’est donc avec raison que Jésus-Christ retranche toutes les inimitiés, en arrache jusques aux moindres racines, et sèche ces sources empoisonnées qui corrompent et étouffent la charité. Ne vous imaginez pas qu’il y ait de l’hyperbole et de l’exagération dans ces préceptes ; comprenez les grands biens qu’ils produisent, et admirez-en la sagesse et la bonté. Dieu ne désire rien avec tant d’ardeur que de nous unir tous ensemble par le lien de la charité. C’est pour ce sujet, et que par lui-même et que par ses disciples, dans l’Ancien et dans le nouveau Testament, il nous recommande si souvent cette vertu, et qu’il ne punit rien avec plus de sévérité que les violations dont elle est l’objet.
Car rien ne cause et n’entretient tant de désordres que la ruine de la charité. C’est pourquoi il dit en un endroit : « Quand l’iniquité se sera accrue, la charité de plusieurs se refroidira. » (Mt. 24,42) C’est ainsi que Caïn a été le meurtrier de son propre frère ; qu’Esaü a formé des desseins contre la vie de Jacob ; que les frères de Joseph l’ont persécuté ; que mille désordres se sont vus dans le monde. Tous ces maux sont nés de la violation de la charité. C’est pourquoi Jésus-Christ s’élève avec force contre tout ce qui pourrait la détruire. Et il ne se contente pas d’avoir dit ce que nous avons vu ; il ajoute beaucoup d’autres choses qui font voir l’estime qu’il fait de cette vertu. Car après avoir menacé ceux qui la violeraient, du « jugement », du « conseil », et de « l’enfer » même ; il ajoute d’autres choses, qui tendent encore à la même fin.
9. « Si donc, lorsque vous présentez votre don à l’autel, vous vous souvenez que votre frère a quelque chose contre vous (23) ; laissez là votre don devant l’autel, et allez vous réconcilier auparavant avec votre frère, et puis vous reviendrez offrir votre don (24). »
O admirable bonté de Dieu ! ô amour qui surpasse toutes nos pensées ! il méprise sa propre gloire, lorsqu’il s’agit d’établir la charité que nous devons avoir les uns pour les autres. Ne voit-on pas clairement que ces menaces qu’il vient de faire, ne viennent point ou d’aversion, ou de quelque rigueur excessive, mais de l’extrême amour qu’il a pour les hommes ? Car que peut-il y avoir de plus tendre et de plus charitable que ces paroles ? Qu’on interrompe, dit-il, le culte qu’on me rend, et le sacrifice qu’on m’offre, parce que la réconciliation entre les frères est le sacrifice le plus agréable qu’on puisse m’offrir. C’est pourquoi il ne dit point : Après que vous aurez offert le sacrifice, ou avant que vous l’offriez, mais lors même que vous avez commencé à l’offrir. Il renvoie celui qui le lui offre se réconcilier avec son frère. Il ne dit point qu’on remporte le présent, ou qu’on prévienne ce sacrifice, mais que lors même qu’il est déjà commencé, on aille trouver son frère pour rentrer en grâce avec lui.
Il me semble qu’il avait deux raisons de nous faire ce précepte ; la première pour nous marquer combien il estimait la charité ; que c’était le sacrifice le plus agréable qu’on lui pût faire, et que sans elle il ne recevait point les autres. La seconde pour obliger indispensablement les hommes de se réconcilier ensemble. Car celui à qui l’on ordonne de ne point achever son sacrifice qu’il ne se soit réconcilié ; quand il ne le ferait pas par un mouvement de charité, il le ferait au moins pour pouvoir offrir son sacrifice, et ainsi il se hâtent de satisfaire son frère qui a quelque ressentiment contre lui. C’est pourquoi Jésus-Christ s’applique à rapporter toutes ces circonstances, afin d’étonner davantage. Car il ne se contente pas de dire : « Laissez là votre présent », mais il ajoute, « devant l’autel », afin de frapper l’esprit par la sainteté du lieu. Et « allez auparavant », dit-il, « vous réconcilier, et puis vous viendrez offrir votre présent », marquant par toutes ces circonstances que cette table sainte ne souffre point ceux qui ont quelque inimitié.
Que ceux qui ont part aux sacrés mystères, et qui, ayant quelque inimitié et quelque aversion dans le cœur, osent approcher de la sainte communion, écoutent ces redoutables paroles. Que ceux qui n’y ont point encore part, les écoutent aussi. Elles les regardent eux-mêmes, puisqu’ils offrent à Dieu des présents et des