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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/168

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de vertu, que la vanité d’ordinaire se plaît davantage. C’était de cela que le pharisien s’enorgueillissait : « Je jeûne », dit-il, « deux fois la semaine et je donne la dîme de tout ce que je possède. » (Lc. 18,15) Il tirait même vanité de sa prière, puisqu’il ne la faisait que par ostentation. Comme il n’y avait là personne excepté le publicain, il indiquait celui-ci et disait : « Je ne suis pas comme le reste des hommes, ni comme ce publicain. »
Mais considérez comment Jésus-Christ, en commençant à parler de cette passion, en parle comme d’un serpent subtil et dangereux, capable de surprendre ceux qui ne s’appliquent pas avec grand soin à veiller sur eux-mêmes. « Prenez garde », dit-il, « de ne pas faire votre aumône devant les hommes pour en être regardés (1). » C’est ainsi que saint Paul parle au peuple de Philippes : « Prenez garde aux chiens. » (Phil. 3,4) Cette bête cruelle entre dans l’âme sans se faire sentir et elle infecte toutes les vertus qu’elle y trouve, par un poison secret et imperceptible.
Nous avons vu par ce qui précède comment il a parlé au long de l’aumône et qu’il y a exhorté les hommes par l’exemple de Dieu même, qui fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants. Après leur avoir persuadé d’aimer à donner et de le faire avec une grande effusion de cœur, il veut prévenir tout ce qui pourrait corrompre cette vertu, lorsqu’elle fleurit dans le cœur, comme un olivier beau et fertile. « Prenez bien garde », dit-il, « que vous ne fassiez votre aumône devant les hommes. » Il dit « votre aumône », parce que l’autre, dont il est parlé auparavant, est comme l’aumône de Dieu. Mais après avoir dit : « Ne faites point votre aumône devant les hommes », il ajoute aussitôt, « pour en être regardés. » Il semble que cela était enfermé dans ce qu’il venait de dire. Mais celui qui examinera ces paroles, verra bien que ce second avis est différent du premier et que Jésus-Christ y témoigne une grande tendresse envers nous et un admirable soin de tout ce qui nous regarde. Car un homme peut faire l’aumône devant les hommes, sans avoir dessein d’en être vu, et au contraire une personne qui la fera en secret, peut souhaiter quelquefois d’être vue des hommes. C’est pourquoi le Seigneur ne considère pas simplement l’action, mais il discerne la volonté ; et c’est elle qu’il punit ou qu’il récompense. Si Jésus-Christ n’eût point marqué si exactement cette circonstance, ce commandement eût pu servir de prétexte à plusieurs, pour se refroidir dans leurs aumônes, parce qu’on ne peut pas toujours les faire dans le secret. C’est pourquoi il ne vous impose point cette nécessité et il vous assure que ce n’est point l’action extérieure, mais l’intention secrète, qu’il jugera digne de punition ou de récompense. Vous auriez dit peut-être en vous-même : Pourquoi suis-je coupable de ce qu’un autre me voit quand je fais l’aumône ? Mais je vous réponds encore : Il ne vous demande point le secret de l’action, mais la droiture de la volonté et la pureté de l’intention. Car Dieu veut guérir votre âme par votre aumône et la délivrer de ses maladies.
Mais après qu’il a défendu de rien faire par vanité, qu’il a montré combien cette passion serait pernicieuse, comme ce serait travailler inutilement et perdre tout le fruit des bonnes œuvres, il relève ensuite les pensées des auditeurs, en leur parlant de son Père et du ciel, pour ne pas les toucher par la seule crainte de ce qu’ils peuvent perdre, mais pour les encourager encore par le souvenir de Celui qui les a créés. « Autrement vous ne recevrez point la récompense de votre Père qui est dans le « ciel (1). » Il ne s’arrête pas là, mais il va plus loin et se sert de plusieurs moyens pour dé tourner de la vaine gloire. Comme il leur a proposé auparavant les publicains elles païens pour confondre par cette comparaison ceux qui les imiteraient, il leur propose ici de même les hypocrites. « Lors donc que vous ferez l’aumône ne faites point sonner la trompette devant vous, « comme le font les hypocrites dans les synagogues et dans les places publiques, pour être honorés des hommes. Je vous dis en vérité que déjà ils ont reçu leur récompense (2). » Je ne parle pas de la sorte pour marquer qu’en effet ces personnes sonnent de la trompette en donnant l’aumône, mais pour montrer seulement la passion furieuse qu’ils avaient d’être vus des hommes, se moquant d’eux par cette expression figurée. Et c’est avec grande raison qu’il les appelle « hypocrites », puisqu’ils sont charitables en apparence, mais cruels et inhumains dans le cœur. Car ils ne donnent pas l’aumône par une sincère compassion de leur prochain, mais par