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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/180

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l’aumône, ne dit pas simplement : « Prenez garde de ne pas faire vos aumônes devant les hommes », mais qu’il ajoute formellement, « afin d’être vus d’eux ; » au lieu que lorsqu’il parle de la prière et du jeûne, il n’ajoute pas cette même circonstance. Pourquoi cela ? C’est sans doute parce que souvent nous ne pouvons cacher nos aumônes, quelque désir que nous en ayons ; au lieu que nous pouvons toujours garder le secret dans notre jeûne et notre prière. Comme donc lorsqu’en disant : « Que votre main gauche ne sache pas ce que fait la droite, il ne veut pas qu’on prenne ces paroles à la lettre, mais seulement qu’on ait grand soin de cacher ses aumônes ; et comme lorsqu’il nous commande d’entrer dans un lieu secret pour prier, il ne nous oblige point à ne faire nos prières que dans ces lieux retirés, mais seulement à ne pas rechercher les yeux des hommes ; de même, lorsqu’il nous dit ici de parfumer et de laver notre visage, il ne faut point entendre ce commandement à la lettre, puisque nous ne l’observons point de cette manière, non plus que ces peuples entiers de solitaires qui vivent sur les montagnes. Ce n’est donc point là ce que Jésus-Christ demande de nous ; mais comme les anciens se parfumaient le visage les jours de fête et de réjouissances, ainsi qu’on le voit par David et Daniel, il nous dit de nous parfumer aussi, ce qui ne doit pas s’entendre au pied de la lettre, mais en ce sens que nous devons être attentifs à cacher soigneusement ce précieux trésor du jeûne.
Et pour nous faire voir que c’est de cette manière que doit s’entendre ce commandement, Jésus-Christ a fait lui-même ce qu’il nous a commandé de faire : il a jeûné quarante jours dans le désert, et il n’a ni lavé ni parfumé son visage ; et néanmoins sa conduite était exempte de la plus légère ombre d’affectation. Car son dessein principal dans ces paroles, est de nous inspirer un grand éloigne ment de la vaine gloire. C’est pourquoi il se sert du mot « d’hypocrite », qui signifie aussi un comédien, afin de nous éloigner de ce vice par deux considérations différentes. La première en nous montrant combien ce vice est ridicule et dangereux pour le salut ; et la seconde, en nous faisant voir que ce déguise ment et cette imposture ne peuvent pas durer longtemps. Un homme qui joue un personnage sur un théâtre, ne peut être estimé que le temps que dure la comédie. Tous même ne l’estiment pas alors, puisque plusieurs de ceux qui le voient, savent très bien qu’il n’est pas en effet ce qu’il paraît être. Mais au moins lorsque la comédie est jouée, il est reconnu de tout le monde pour ce qu’il est. C’est ce qui arrivera indubitablement aux amateurs de la vaine gloire. Plusieurs dès cette heure reconnaissent leur déguisement. On sait déjà qu’ils ne sont pas ce qu’ils paraissent, et qu’ils n’en ont que l’extérieur. Mais ils seront reconnus clairement pour ce qu’ils sont dans ce grand jour où Dieu fera voir à nu les secrets des cœurs.
Jésus-Christ nous montre par cette même parole combien ce commandement qu’il nous fait est doux. Cari ! ne nous ordonne pas d’augmenter nos jeûnes et de les rendre plus austères ; mais il nous avertit seulement de n’en pas perdre le mérite. Tout ce qu’il y a de pénible dans le jeûne nous est commun avec les hypocrites, puisqu’ils jeûnent en effet ; mais ce que Jésus-Christ nous ordonne en cet endroit est extrêmement doux, puisqu’il ne tend qu’à nous empêcher de perdre notre récompense. Il n’ajoute rien à nos travaux ; mais il nous en assure le mérite, et sa bonté ne peut souffrir que nous perdions notre couronne comme les hypocrites la perdent.
Ces âmes vaines ne veulent pas imiter ceux qui combattent dans les jeux olympiques, qui voyant devant eux une si grande foule de peuple qui les regarde, et tant de magistrats qui les environnent, négligent néanmoins tout ce monde, et ne tâchent qu’à plaire à celui qui leur promet le prix s’ils sont vainqueurs, quand même sa qualité serait beaucoup moindre que celle des autres. Vous, vous avez des raisons puissantes de ne vouloir que Dieu seul pour témoin de votre victoire, et parce que c’est lui seul qui vous en donne le prix, et parce qu’il est infiniment élevé au-dessus de tous, et cependant vous ne laissez pas de vouloir être vus des autres, qui non seulement ne vous servent pas, mais qui vous nuisent même beaucoup par leur estime et par leurs louanges.
2. Néanmoins Dieu est si bon qu’il semble vous dire : Si vous voulez encore après ce que je vous dis être vus des hommes, je ne m’oppose pas. Attendez un peu ; et je vous accorderai ce que vous désirez, d’une manière puis avantageuse et plus éclatante que vous ne