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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/181

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l’osez espérer. La gloire que vous recherchez ici des hommes, vous ravit celle que je vous prépare ; et en méprisant celle-là, vous vous assurez celle-ci. C’est alors que vous jouirez de tout avec une pleine assurance, mais même avant ce temps vous recevrez dès ici-bas cet avantage si important, de fouler aux pieds toute la gloire des hommes, de vous affranchir du honteux esclavage des ambitieux, et de ne contrefaire pas seulement la vertu, mais de la posséder véritablement.
Que si vous désirez d’être vus des hommes, quand vous seriez dans le fond d’un désert, vous ne laisseriez pas de perdre le fruit de tous vos travaux. N’est-ce pas faire une grande injure à la vertu, que de ne pas la suivre pour elle-même, mais pour être loué seulement de quelques gens du peuple qui vous verront, et de ceux qui ne sont dignes que de mépris ? Vous voulez être bon afin que des méchants vous admirent, et vous cherchez pour spectateurs de votre vertu les ennemis mêmes de la vertu. N’est-ce pas imiter celui qui voudrait être chaste, non parce que la chasteté est une chose excellente, mais pour être loué des impudiques ? Ainsi vous n’auriez point été ami de la vertu, si elle n’avait point d’ennemis ; au lieu que vous devriez l’admirer d’autant plus que ses ennemis eux-mêmes ne peuvent s’empêcher de l’admirer. Il faut donc aimer la vertu pour elle-même, et non point par d’autres considérations. Nous croyons qu’on nous fait injure lorsqu’on ne nous aime pas pour nous-mêmes, mais par des raisons qui ne nous regardent point. Traitez donc au moins la vertu comme vous voulez qu’on vous traite. Aimez-la pour elle-même, et non à cause des autres. N’obéissez pas à Dieu à cause des hommes ; mais obéissez plutôt aux hommes à cause de Dieu. Quant vous agissez autrement, quoique vous paraissiez aimer la vertu, vous ne l’aimez pas en effet, et vous irritez autant Dieu, que ceux qui la haïssent et qui la méprisent. Ceux-là l’offensent en ne faisant pas le bien ; et vous, vous l’offensez en le faisant mal.
« Ne vous faites point de trésors sur la terre où les vers et la rouille les mangent, et où les voleurs les déterrent et les dérobent (19). Mais faites-vous des trésors dans le ciel, où « les vers et la rouille ne les mangent point, et où il n’y a point de voleurs qui les déterrent et qui les dérobent (20). » Après que Jésus-Christ a banni de nous la vaine gloire, il en vient ensuite tout naturellement à combattre l’avarice, parce que rien n’entretient tant en nous cette passion que l’ambition et le désir de l’honneur. C’est pour s’attirer cette vaine estime, qu’on veut avoir une foule de valets, des troupes d’eunuques, des chevaux superbes et tout couverts d’or, des meubles somptueux et mille autres semblables folies que les hommes ne recherchent ni pour la nécessité, ni même pour le plaisir ; mais seulement pour paraître, et pour donner des marques de leur magnificence et de leurs richesses.
Jésus-Christ nous avait exhortés auparavant à être miséricordieux ; mais il montre ici jusqu’où doit aller notre charité en disant : « Ne vous faites point de trésors sur la terre. » Comme il eût été dangereux de commencer d’abord par attaquer ouvertement l’avarice, et par exhorter tout d’un coup les hommes au mépris des richesses, à cause du grand empire que cette passion exerce sur les cœurs, c’est peu à peu et par degrés qu’il attaque cette maladie pour en délivrer les hommes ; il entre donc doucement dans les esprits pour leur faire mieux accueillir ce qu’il doit dire. Il se contente d’abord de dire en général : « Bienheureux ceux qui font miséricorde ! » Il passe ensuite plus avant : « Soyez », dit-il, « d’accord avec votre ennemi. » Il ajoute après : « Si quelqu’un veut vous ôter votre robe, donnez-lui aussi votre manteau. » Voici enfin la loi portée dans son absolue perfection. Auparavant il s’était contenté de dire : Si vous voyez qu’on vous menace d’un procès, laissez-vous plutôt ôter votre bien ; car il vaut mieux perdre du bien pour n’avoir point de procès, que d’avoir un procès pour gagner du bien. Ici, sans parler d’ennemi, ni de procès, ni d’aucune violence qu’on nous fasse, il nous commande simplement et absolument de mépriser les richesses, et il montre qu’il fait ce commandement moins pour ceux qui reçoivent la charité, que pour ceux qui la font. De sorte que quand il n’y aurait personne qui nous fît injure, ou qui nous appelât en jugement, nous devrions néanmoins nous porter de nous-mêmes à mépriser les richesses et les donner de bon cœur aux pauvres.
Il use encore ici néanmoins de quelque réserve dans la forme, et il ne dit les choses