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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/19

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qui fait aujourd’hui éclater davantage la force du Saint-Esprit, c’est de persuader ainsi aux hommes de s’attacher si fermement aux points capitaux, et aux maximes fondamentales de l’Évangile, sans se blesser de ces petites différences qui y paraissent.
4. Il est inutile de rechercher en quel lieu chaque Évangéliste a écrit ; j’aime mieux m’attacher à vous faire voir dans toute la suite de cette prédication, qu’ils ne se sont point combattus l’un l’autre ; et il semble, lorsqu’on les accuse de ces petites contradictions apparentes, qu’on leur aurait voulu imposer une loi sévère de se servir tous des mêmes mots et des mêmes expressions.
Je pourrais parler ici de beaucoup d’écrivains, très-fiers de leur éloquence et de leur savoir, qui ont composé des livres sur une même matière et qui ont été non seulement différents entre eux, mais même entièrement contraires les uns aux autres. Il y a bien de la différence entre ne dire pas les mêmes choses, ou en dire d’entièrement opposées. Mais je ne m’arrête pas à cela. Dieu me garde de chercher l’apologie des saints Évangélistes dans l’extravagance de ces faux sages. Je ne prétends point me servir du mensonge pour établir la vérité. Je me bornerai à demander si une doctrine contradictoire dans ses parties aurait acquis une bien grande autorité dans le monde, si elle aurait prévalu sur les autres, si enfin des hommes dont les discours se seraient détruits réciproquement, auraient pu s’acquérir la créance et l’admiration de toute la terre. On sait de plus qu’ils avaient beaucoup de témoins et d’ennemis de leur doctrine. Car ils n’écrivaient point dans un coin du monde, et ils ne cachaient rien de leurs dogmes ; ils couraient les terres et les mers ; et ils parlaient devant tous les peuples : ils lisaient alors comme nous lisons encore aujourd’hui, ces livres saints en présence de leurs ennemis ; néanmoins leur doctrine n’a jamais blessé personne par ses contradictions. Et nous ne devons pas nous en étonner, puisque la force et la vertu de Dieu même les accompagnait partout, et leur faisait faire tout ce qu’ils faisaient.
A moins de cela comment un publicain, un pêcheur, des hommes grossiers et ignorants eussent-ils pu annoncer des vérités si grandes et si relevées ? Car ils publiaient et persuadaient : avec une certitude merveilleuse des mystères dont les anciens philosophes n’ont pu même se former la moindre idée ; et ils les ont publiées non seulement durant leur vie, mais encore après leur mort ; et non à quinze ou vingt personnes, non à cent, non à mille ou à dix mille, mais à des villes, et à des peuples entiers, aux Grecs et aux barbares, sur mer et sur terre, dans les lieux habités, et dans le fond des déserts.
Mais de plus ils annonçaient aux hommes une doctrine élevée au-dessus de la nature humaine. Ils ne disaient rien de terrestre, et ils ne parlaient que des choses du ciel. Ils prêchaient une vie et un royaume dont on n’avait jamais entendu parler. Ils découvraient d’autres richesses et une autre pauvreté ; une autre liberté, et une autre servitude ; une autre vie, et une autre mort ; un nouveau monde, et une manière de vie toute nouvelle ; et enfin un changement, et comme un renouvellement général de toutes choses.
Ils étaient bien éloignés ou d’un Platon qui a tracé l’idée de cette république ridicule, ou d’un Zénon, ou de ces autres philosophes qui ont formé des projets de gouvernements et de républiques, et qui ont voulu se rendre les législateurs des peuples. Il ne faut que lire ces auteurs pour voir que c’est le démon, ce tyran des âmes, cet ennemi de la chasteté, et de toutes les vertus qui les a animés, et qui a répandu de si profondes ténèbres dans leur esprit pour confondre par eux tout l’ordre des choses. Car si l’on considère cette communauté des femmes qu’ils ont voulu introduire ; ces spectacles honteux et publics de filles nues ; ces mariages clandestins qu’ils autorisaient ; et ce renversement universel de ce qu’il y a de plus naturel et de plus juste dans le monde ; que peut-on dire autre chose sinon que toutes ces maximes étaient des inventions du démon, qui voulait détruire par eux les lois les plus inviolables de la nature ? Et certainement toutes ces choses qu’ils soutiennent lui sont tellement contraires, qu’elle se rend témoignage à elle-même en les abhorrant, et en ne voulant pas seulement les entendre nommer. Et cependant ces philosophes avaient alors la liberté tout entière de publier ces maximes si étranges, sans craindre ni les persécutions ni les périls ; et ils s’efforçaient de les insinuer dans les esprits, en les parant de tous les plus beaux ornements de l’éloquence. L’Évangile au contraire qui n’était prêché que par des pauvres et des pêcheurs persécutés