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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/197

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dans le bien. Si vous, voulez devenir vertueux, rien ne vous en empêchera ; ou plutôt le démon tâchera de l’empêcher, mais il ne le pourra faire, parce que vous l’aurez prévenu par vos saintes résolutions, et que vous aurez par elles attiré Dieu même à votre secours. Que si vous ne voulez pas demeurer fermes, et que vous vous rangiez du côté de votre ennemi, comment Dieu pourra-t-il vous secourir ? Il ne veut pas user de violence ou de contrainte, et il ne sauve que celui qui veut se sauver.
Si vous aviez un serviteur qui vous haït, qui eût horreur de vous, qui voulût toujours s’enfuir, vous ne pourriez vous résoudre à le retenir, et cela quand vous auriez besoin de son service : à plus forte raison Dieu qui n’a aucun besoin de vous, qui n’exige de vous aucun service que pour votre bien, sera-t-il éloigné de vous faire violence pour vous retenir à son service malgré vous : si, au contraire, vous témoignez seulement quelque désir de lui plaire, il ne vous abandonnera point, quoi que puisse faire le démon.
Nous sommes donc nous-mêmes les auteurs de notre perte, puisque nous n’avons jamais recours, à Dieu, et que. Nous ne nous approchons jamais de lui pour l’invoquer comme il faut. Lorsque nous le prions, il semble que nous n’attendions rien de lui. Nous ne partons point à la prière un cœur plein de foi et de ferveur. Nous sommes comme des personnes qui n’ont rien à demander ou à désirer ; nous demeurons tout assoupis, sans application et sans vigueur. Cependant Dieu veut qu’on le presse avec instance, et qu’on importune et il agrée l’importunité de la prière. C’est le seul débiteur qui soit ravi qu’on lui redemande sa dette ; il donne même sans qu’ou lui ait rien prêté. Plus il voit que nous le pressons, et, que nous lui faisons d’instances ; plus il nous fait rie grâces, quoiqu’il ne nous doive rien. Que si nous sommes lâches à lui demander, il diffère aussi à nous donner, non qu’il n’en ait le désir, mais parce qu’il veut être importuné, et qu’il prend plaisir qu’on lui fasse violence. C’est pourquoi il nous donne dans l’Évangile pour modèle de la prière, tantôt l’exemple d’un homme qui va importuner son ami au milieu de la nuit, pour lui demander du pain ; et tantôt l’exemple de ce juge qui ne craignait ni Dieu ni les hommes, qui se laissa néanmoins fléchir par les instantes sollicitations de la veuve. Il ne s’est pas contenté même de ces paraboles. Il y a joint des exemples effectifs, comme celui-de la Chananéenne qu’il renvoya après l’avoir comblée d’un si grand don. Il fit voir en cette occurrence, qu’il donne même ce qui est au-dessus du mérite de ceux qui le prient, lorsqu’ils prient avec ferveur : « Il n’est pas bon », dit-il à cette femme, « de prendre le pain des enfants, et de le donner aux chiens ; » et cependant il le lui donna, parce qu’elle le demandait avec ardeur. Il nous montre encore dans la personne des Juifs, qu’il refuse de donner aux tièdes et aux négligents, ce qui leur appartenait légitimement.
Bien loin de recevoir de lui des grâces nouvelles, ils ont perdu celles qu’ils avaient déjà reçues. Ils n’ont pu conserver ce qui était à eux, parce qu’ils ont prié avec tiédeur. La Chananéenne, au contraire, priant avec ardeur et avec une violence toute sainte, est entrée dans l’héritage des autres ; et après avoir été appelée « chienne », elle a été mise au rang des « enfants. » Tant la prière a de force lorsqu’elle est pressante et persévérante ! Si vous vous adressez à Dieu de la sorte, quand vous ne seriez qu’un chien, vous précéderez les enfants paresseux et lâches. Ce que l’on ne peut espérer de l’amitié, l’assiduité opiniâtre le procure.
Ne dites donc point : Dieu est irrité contre moi, il – n’écoutera point mes prières. Il vous écoutera bientôt si vous le priez avec importunité. S’il ne vous exauce pas parce qu’il vous aime, il vous exaucera parce que vous ne cessez point de le prier : l’inimitié, ni le contretemps, ni quoi que ce soit ne vous sera un obstacle. Ne dites pas non plus : Je ne suis pas digne de rien recevoir de Dieu, c’est pourquoi je ne le prie pas. La Chananéenne était dans le même état que vous.
Ne dites pas davantage : J’ai beaucoup offensé Dieu, et je ne puis apaiser sa colère. Dieu ne considère point votre mérite, niais la disposition de votre cœur. Si une veuve a fléchi un juge qui ne craignait ni Dieu ni les hommes, combien plus une prière continuelle apaisera-t-elle un Dieu si doux et si plein de miséricorde ? Quand donc vous ne seriez pas ami de Dieu ; quand vous lui demanderiez des choses qui ne vous seraient point dues ; quand vous auriez consumé tout le bien de votre père, comme l’enfant prodigue ; que vous auriez été longtemps banni de sa présence ; que vous auriez