Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/198

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

dégénéré d’un tel père ; que vous seriez devenu le dernier de tous les hommes ; que vous présentant devant lui vous apercevriez sur son visage les marques de son indignation et de sa colère : commencez seulement à le prier et à vous rapprocher de lui, vous éteindrez la colère et la damnation, et vous recouvrerez votre première dignité.
Mais je prie, me dites-vous, et mes prières ne me servent de rien. C’est parce que vous ne priez pas comme ceux que je vous cite ; comme la Chananéenne, comme cet ami qui va au milieu de la nuit demander des pains, comme cette veuve qui importunait son juge, et comme cet enfant qui retourne à son père après avoir dissipé tout ce qu’il avait. Si vous aviez prié de la sorte, vous auriez été bientôt exaucé. Quoique vous ayez offensé Dieu, il ne laisse pas d’être votre père. Quoique vous l’ayez fâché, il ne laisse pas d’aimer ses enfants. Il ne cherche pas votre perte, mais votre salut. Il ne désire pas de se venger de l’injure que vous lui avez faite, mais de vous voir vous convertir, et lui demander miséricorde. O si nous avions autant d’ardeur pour aller à lui, que ses entrailles paternelles ont de tendresse pour nous ! Sa charité est un feu brûlant. Il ne veut qu’une petite étincelle pour trouver entrée dans votre cœur, et pour l’embraser et le combler de ses grâces.
6. Ce qui le fâche dans les outrages que vous lui faites, ce n’est pas que l’offense s’adresse à lui, mais c’est que vous en êtes l’auteur, et que vous agissez sous l’impulsion de l’ivresse et de la fureur.
Si, quelque méchante que nous soyons, nous ne laissons pas lorsque nos enfants nous insultent, d’en être plus affligés pour eux que pour nous ; combien Dieu, que nos injures ne peuvent atteindre ; en sera-t-il plus touché pour notre intérêt, que pour le sien ? Si nous agissons de la sorte envers nos enfants, quoique notre amour ne soit qu’un effet de la nature ; que devons-nous attendre de l’amour de Dieu, qui est infiniment élevé au-dessus du nôtre ? « Quand une mère », dit-il, « oublierait l’enfant qu’elle a porté dans son sein, je ne vous oublierai pas. » (Is. 49,15)
Approchons-nous donc de lui, et lui disons : « Oui, Seigneur ; les petits chiens mangent des miettes qui tombent de la table de leurs maîtres. » (Mt. 15) Approchons-nous de lui, soit à temps, soit à contre-temps. Mais je me reprends. Nous ne pouvons approcher de lui à contre-temps, ni lui être importuns. C’est l’importuner que de ne le pas prier toujours. On ne peut s’adresser à contre-temps à celui qui est en tout temps prêt à donner. Comme l’homme n’est point importuné de respirer sans cesse l’air qui le fait vivre ; Dieu de même ne le sera point, lorsque nous lui demanderons toujours l’esprit de sa grâce ; et c’est lui déplaire au contraire, que de ne pas le lui demander toujours. Comme notre corps a besoin à tout moment de respirer l’air : notre âme de même a toujours besoin de ce secours et de cet Esprit que Dieu nous donne. Si nous le voulons nous l’attirerons aisément en nous.
Le prophète montre combien Dieu est prêt à nous faire toujours du bien, lorsqu’il dit : « Nous le trouverons toujours prêt comme le « jour du matin. » (Os. 6,3) Toutes les fois que nous nous approcherons de lui, nous sentirons qu’il n’attend que nos prières pour nous exaucer. Que si nous ne puisons rien dans cette source si abondante de-toutes les vertus, c’est nous-mêmes que nous en devons accuser, et non la source. C’est ce qu’il reprochait aux Juifs, lorsqu’il leur disait : « Ma miséricorde est comme une nuée du matin, et comme une rosée qui tombe à la pointe du jour. »(Os. 6,4) Comme s’il leur disait : Pour moi, j’ai fait de mon côté, tout ce que je devais faire ; mais pour vous, vous avez été comme un soleil brûlant qui sèche cette rosée et qui dissipe les nuées, et vous avez arrêté par votre malice, la source et les influences de ma bonté.
Cette conduite de Dieu, mes frères, est un effet de sa miséricorde sur nous. Quand il voit que nous sommes indignes des grâces qu’il nous faisait, il les retient, de peur qu’il ne nous rende paresseux et lâches, en nous donnant ce que nous ne daignons pas seulement lui demander. Mais si nous sortons enfin de cet assoupissement, et si nous reconnaissons seulement que nous l’avons offensé, sa grâce coulera aussitôt sur nous comme une source abondante, ou plutôt elle se répandra sur nous comme une mer. Plus vous recevrez de lui, plus vous le comblerez de joie, et plus il sera porté à vous donner. Il regarde comme ses propres richesses le salut des âmes, et la grâce qu’il fait à ceux qui le prient. « Dieu est riche en miséricorde (Eph. 2,4) », comme dit saint Paul, « et il répand ses richesses sur