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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/207

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seulement ne marchent point dans cette voie, mais ne la veulent pas même trouver par un aveuglement qui est le comble de la folie. Mais il ne faut point se laisser influencer ni troubler par la multitude. Animons-nous plutôt de zèle pour imiter le petit nombre de ceux qui cheminent par la voie étroite, et pour nous entre-exhorter à les suivre et à marcher courageusement dans ce sentier laborieux. Car outre que cette voie est « étroite », il y en a encore beaucoup qui tâchent de nous en fermer l’entrée. C’est pourquoi Jésus-Christ ajoute : « Gardez-vous des faux prophètes qui viennent à vous vêtus comme des brebis, et qui au dedans sont des loups dévorants (15). »
Après nous avoir avertis de nous garder « des chiens et des pourceaux », il marque ici une autre sorte d’ennemis bien plus à craindre. Car ces premiers sont visibles et tout le monde les connaît, mais ces derniers sont cachés. C’est pourquoi Jésus-Christ dit des uns qu’on s’en détourne et des autres qu’on les discerne, et qu’on les examine parce qu’il est impossible de les reconnaître d’abord. C’est ce qui lui fait dire : « Gardez-vous », afin de nous rendre plus vigilants dans ce discernement.
Il était à craindre qu’en entendant dire qu’il fallait marcher dans une voie étroite et resserrée, voie opposée à celle du grand nombre, se garder des chiens et des pourceaux, ainsi que d’une autre espèce encore, celle des loups, les auditeurs ne perdissent courage au moment d’entrer dans cette voie, contraire à celle que suit la foule et, de plus ; infestée de tant d’ennemis et semée de tant de ronces ; c’est pourquoi il les fait souvenir des choses arrivées du temps de leurs ancêtres, et cela par ce seul mot de « faux prophètes » qu’il emploie. Ces épreuves, l’antiquité les a connues, ne vous troublez donc point ; rien de nouveau ni d’extraordinaire n’arrivera. C’est de tout temps que le démon a fait ce qu’il a pu pour substituer le mensonge à la vérité.
Je crois que par ce mot de « faux prophètes », il n’entend pas les hérétiques, mais ces personnes dont la vie est corrompue, et qui ont une apparence de vertu, qu’on appelle d’ordinaire hypocrites et imposteurs ; c’est pourquoi il ajoute : « Vous les reconnaîtrez par leurs fruits »(16). Car souvent les hérétiques sont réglés dans leur vie, mais ceux-ci ne le sont jamais. Et si vous me dites qu’ils feront peut-être semblant de l’être, je vous réponds qu’ils feront connaître bientôt ce qu’ils sont. Car la voie que je vous enseigne est pénible et laborieuse, et les hypocrites fuient le travail qui accompagne la vertu, et n’en cherchent que l’apparence. C’est pourquoi il est aisé de les connaître. Et comme il venait de dire : Que peu de personnes trouveraient la voie étroite, il leur apprend à séparer le petit nombre qui la trouve d’avec ceux qui ne la trouvent pas et qui font croire néanmoins qu’ils y marchent, en leur commandant de ne point considérer ceux qui n’ont que l’apparence de la vertu, niais seulement ceux qui la possèdent véritablement.
Mais, me direz-vous, d’où vient que Jésus-Christ ne rend pas lui-même ces personnes visibles et manifestes, sans nous donner la peine de les discerner ? Il ne le fait pas pour nous faire tenir toujours sur nos gardes, et dans une vigilance continuelle contre nos ennemis, en craignant sans cesse, et ceux qui sont déclarés, et ceux qui se cachent et qui sont couverts. C’est de ces derniers que saint Paul dit : « Que par leurs paroles douces ils séduisent le cœur des innocents. » (Rom. 16,18) Ne nous troublons donc point de voir en notre temps beaucoup de ces séries de personnes. Jésus-Christ nous en avertit dès le commencement de l’Église. Et admirez sa douceur ! Car il ne dit pas : Punissez-les, mais seulement : « Gardez-vous d’eux », de peur qu’en ne veillant pas sur vous-mêmes, vous ne tombiez dans leurs pièges.
7. Et ensuite pour vous empêcher de dire qu’il est impossible de reconnaître ces personnes, il se sert d’un exemple fort populaire : « Peut-on cueillir des raisins sur des épines ou des figues sur des ronces (16) ? Ainsi tout arbre : « qui est bon produit de bons fruits ; et tout, arbre qui est mauvais, porte de mauvais fruits (17). Le bon arbre ne peut produire de mauvais fruits, ni le mauvais arbre en produire de bons (18). » C’est de même que s’il disait : Ils n’ont rien de doux que cette peau de brebis : C’est pourquoi il est aisé de les discerner. Et pour ne vous plus laisser le moindre doute, il compare ce qu’il dit à une chose fondée dans la nature même et qui ne peut arriver d’une autre manière. C’est ainsi que saint Paul disait : « La Sagesse de la chair est une mort, parce qu’elle n’est pas assujettie à la loi de Dieu et qu’elle ne peut l’être. » (Rom. 8,7)