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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/209

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C’est là une faible idée de ce que nous vous pouvons tracer de la gloire ; car il n’y a point de fils, quel qu’il soit, qui puisse donner autant de satisfaction à son père que la jouissance de ces biens, et que la vue de Jésus-Christ nous en donnera dans le ciel. L’enfer est sans doute une chose terrible ; cependant dix mille enfers ensemble ne seraient encore rien en comparaison de ces autres maux d’être honteusement chassé de la gloire, d’être haï de Jésus-Christ, d’entendre de sa bouche sacrée ces paroles foudroyantes : « Je ne vous connais point (Mt. 25) ; » et ces reproches sanglants : « Vous m’avez vu souffrir la faim, et vous ne m’avez pas donné à manger. » Nous aimerions mieux être percés de mille foudres que de voir un Dieu si doux détourner de nous son visage, et cet œil si serein et si tranquille ne pouvoir nous regarder qu’avec colère. Si lorsque j’étais son ennemi déclaré, que je le haïssais, que je le fuyais, il m’a néanmoins recherché et aimé au point de ne pas s’épargner lui-même et de se livrer à la mort, de quels yeux le regarderai-je, moi qui, en retour de tant de bienfaits n’aurai pas daigné lui donner un morceau de pain pour apaiser sa faim ?
Mais considérez ici même quelle est sa douceur : il ne vous reproche point les grâces qu’il vous a faites, ni l’ingratitude dont vous les avez payées. Il ne dit point : vous avez osé me mépriser, moi qui vous ai tiré du néant ; qui, d’un souffle de ma bouche, vous ai donné votre âme, qui vous ai rendu maître de tout ce qui est sur la terre ; qui ai créé pour vous le ciel et la terre, l’air et la mer et tout ce qui existe ; moi qui, insulté par vous jusqu’à voir préférer le démon à moi, bien loin de vous abandonner pour cet outrage, me suis ingénié à trouver de nouvelles grâces pour vous en combler ; moi qui ai bien voulu me rendre esclave pour vous ; qui ai souffert pour vous les soufflets, les crachats, la mort, et la mort la plus honteuse ; moi qui ai intercédé pour vous dans le ciel ; qui vous ai donné le Saint-Esprit ; qui vous ai invité à mon royaume, qui vous ai promis une si glorieuse destinée ; qui ai voulu me rendre votre chef, votre époux, votre vêtement, votre maison, votre racine, votre nourriture, votre breuvage, votre pasteur, votre roi et votre frère ; enfin moi qui vous ai choisi pour être l’enfant du même Père, l’héritier et le cohéritier du même royaume, et qui, pour vous rendre capable de ces grands dons, vous ai amené des ténèbres à la jouissance de ma lumière. Quoique Jésus-Christ puisse nous reprocher beaucoup d’autres choses semblables, il ne le fait pas néanmoins, et il se contente de nous représenter notre faute.
Il montre encore, par les dernières paroles qu’il dit aux réprouvés, quel est son amour envers nous, et le désir qu’il a de notre salut. Car il ne dit pas : allez au feu qui vous a été préparé ; mais, « Allez au feu qui a été préparé pour le démon et pour ses anges. » (Mt. 25,33) Avant de prononcer cet arrêt contre les réprouvés, il leur fait voir les péchés dont ils se sont rendus coupables, sans cependant les rappeler tous, mais seulement en partie ; et avant que de les punir il appelle les justes à son royaume, pour montrer l’équité des jugements qu’il allait exercer contre les autres. Quels supplices donc sont comparables à ces paroles de Jésus-Christ ? Un homme n’a pas assez de dureté pour négliger celui qui l’a obligé, lorsqu’il le voit souffrir la faim et la soif, et il rougirait de honte si cette personne lui reprochait son ingratitude. Il aimerait mieux tomber tout vif dans quelque abîme s’ouvrant sous ses pieds, que de voir deux ou trois de ses amis témoins d’une plainte semblable. Que deviendrons-nous donc, nous autres, lorsque Jésus-Christ nous fera ces reproches eu présence de toute la terre ? Sa douceur est si grande qu’il voudrait même nous épargner cette confusion, s’il n’était obligé de rendre tout le monde témoin de l’équité de ses jugements. Que ce ne soit pas dans une intention d’insulte, mais bien d’apologie personnelle, qu’il rappelle les péchés ; qu’il ne veut en cela que montrer combien est fondée en raison et en justice la sentence : « Retirez-vous de moi », c’est ce qui est évident par la grandeur même des grâces qu’il nous a faites. S’il voulait insulter, il rappellerait toutes ces grâces, au lieu qu’il se contente de reprocher aux réprouvés ce que leur ingratitude lui a fait souffrir.
9. Craignons, mes frères, d’entendre un jour ces paroles si terribles. Cette vie n’est point un jeu, ou plutôt cette vie d’une part ne semble qu’un jeu, si on la compare à la vie future ; et de l’autre, rien n’est plus sérieux ni plus important, puisqu’elle ne se termine pas à des ris, mais à des larmes et à des peines effroyables, qui accableront de maux ceux qui