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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/210

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n’auront pas voulu régler leur conduite sur les lois de Dieu. Cependant nous faisons un jeu de notre vie. Car lorsque nous bâtissons ces maisons superbes, en quoi sommes-nous différents des petits enfants qui jouent et qui bâtissent des maisons de boue ? Quelle différence y a-t-il entre ces tables où ils se divertissent, et celles où nous nous livrons à tous les excès ? aucune, sinon que leurs amusements sont fort innocents, tandis que nos voluptés, étant très coupables, seront punies très sévèrement.
Si nous ne voyons pas maintenant la vanité de ces choses, nous ne devons pas nous en étonner. Nous ne sommes pas encore devenus hommes. Lorsque nous le serons, nous reconnaîtrons la bassesse et la puérilité de ce que nous appelons maintenant des affaires importantes. Nous nous rions des enfants lorsque nous sommes avancés en âge, mais lorsque nous étions enfants, nous faisions nos grandes affaires de ces petits jeux. Nous amassions avec soin de la terre et de la boue pour en faire une petite maison, et nous n’étions pas moins glorieux après l’avoir faite, que ne sont ceux qui bâtissent les plus superbes palais. Cependant ces maisons de boue tombaient aussitôt, et quand elles seraient demeurées fermes, elles n’auraient pu servir à rien. Il en est de même de ces édifices superbes. Ils sont indignes d’un chrétien, qui se souvient qu’il est le citoyen du ciel ; et la vue de cette divine patrie fait qu’il aurait honte d’y demeurer. Il détruirait de bon cœur ces grands édifices. Comme nous abattons souvent du pied ces maisons de boue que font les enfants, ainsi ce sage de Dieu renverse déjà dans sa pensée tous ces palais superbes qu’élèvent les hommes. Et comme nous rions en voyant les enfants pleurer le renversement de leurs petits châteaux, il rirait de même de voir des hommes pleurer la ruine de leurs maisons ; ou plutôt il n’en rirait pas, mais il en verserait des larmes. Car ces vrais chrétiens ont des entrailles de charité pour pleurer notre misère, et des yeux pour reconnaître le mal que nous nous faisons en nous amusant à ces bagatelles. Devenons donc enfin des hommes, et des hommes raisonnables. Jusqu’à quand nous traînerons-nous par terre ? jusqu’à quand mettrons-nous notre gloire dans des pierres et dans du bois ? jusqu’à quand serons-nous enfants ? Et plût à Dieu que nous ne fussions qu’enfants ! Mais il ne s’agit pas ici d’un jeu. Il s’agit de la perte de notre salut, que nous sacrifions à ces vains désirs. Nous voyons tous les jours que les enfants sont châtiés très sévèrement, lorsqu’ils négligent leurs études pour s’occuper à ces petits jeux ; et nous ne craignons point d’être condamnés au dernier supplice, lorsque Dieu nous redemandant un compte très exact de notre vie, il se trouvera que nous l’aurons consumée en des jeux d’enfants, au lieu de l’employer à des œuvres saintes. Nous n’aurons alors personne qui puisse nous tirer de ses mains. Il n’y aura ni père, ni frère, ni quelque autre que ce soit qui puisse nous secourir. Nos occupations passées s’évanouiront comme un songe, mais les peines qu’elles nous auront attirées, seront éternelles. Ainsi Dieu nous traitera comme on traite ces enfants, lorsque leurs pères, irrités de leur paresse, abattent, et renversent ces petites maisons qui les amusaient, et les laissent pleurer sans être touchés de leurs larmes.
Et pour mieux vous faire voir que ce que je dis est très véritable, examinons ce que les hommes convoitent le plus ardemment, la richesse ; faisons donc comparaître ici la richesse, et opposons-lui une vertu, celle que vous voudrez, et vous-verrez alors le peu que vaut la richesse. Je ne parle encore que d’une richesse acquise, non par avarice, mais par des voies justes et légitimes. Supposons donc deux hommes, dont l’un ne pense qu’à augmenter son bien, qui traverse les mers, qui cultive les terres, qui trafique, et qui trouve ainsi divers moyens d’acquérir du bien : je doute même si agissant de la sorte, il s’enrichira légitimement ; mais je le veux croire, et je suppose que tout le gain qu’il fera sera fort juste. Qu’il travaille donc à devenir riche. Qu’il achète des terres, des esclaves, et mille autres choses, sans commettre aucune injustice. Qu’un autre au contraire ayant possédé toutes ces richesses vende ses terres, ses maisons, et ses vases d’or et d’argent ; qu’il en donne le prix aux pauvres ; qu’il en assiste les malades et les indigents ; qu’il soit le protecteur des misérables ; qu’il tire les uns des prisons, les autres des mines, les autres de la servitude, et les autres de la mort où la pauvreté allait les réduire. Je vous demande maintenant lequel de ces deux hommes vous choisiriez d’être ? Je ne parle point encore de l’avenir ; je ne regarde que l’état de cette vie. A qui des deux aimeriez-vous