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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/21

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une couronne de laurier, ni l’honneur d’être nourri aux dépens du public, ou une statue d’airain, choses trop vaines et trop basses ; mais c’est la gloire de jouir dans le ciel d’une vie sans fin, de devenir enfant de Dieu, d’être associé aux chœurs des anges, d’assister devant te trône de Dieu, et de demeurer éternellement avec Jésus-Christ. Les princes de cette république sont des pêcheurs, des publicains, des faiseurs de tentes, qui n’ont pas vécu seulement un petit nombre d’années, mais qui sont vivants dans l’éternité, et qui peuvent aider encore leurs imitateurs et leurs disciples, et les soutenir même après leur mort.
6. Dans cette sainte république on ne fait pas la guerre contre les hommes, mais contre les démons et les puissances spirituelles. C’est pourquoi elle n’a pour chef dans ces combats invisibles ni un homme ni un ange, mais Dieu même. Les armes aussi de ces soldats sont bien différentes de ces armes d’ici-bas. Elles ne sont formées ni de peaux de bêtes, ni de fer, mais de la vérité, de la foi, de la justice, et de toutes les vertus.
Puis donc que le livre que nous entreprenons d’expliquer, contient les lois de cette divine, république ; écoutons avec soin saint Matthieu, qui en parle très clairement, ou plutôt Jésus-Christ qui en est le législateur, qui parle lui-même par la bouche de son saint Évangéliste. Appliquons-nous à ces divines instructions, afin de pouvoir être un jour du nombre de ses heureux citoyens, de ceux qui se sont rendus illustres en suivant ses lois, et qui se sont acquis des couronnes immortelles.
Plusieurs croient que ce livre est facile, et qu’il n’y a que les Prophètes qui soient difficiles ; mais ce sentiment est celui de ceux qui ne connaissent pas assez la profondeur des mystères de l’Évangile. C’est pourquoi je vous conjure de me suivre avec soin, afin que nous entrions ensemble dans cette vaste mer des vérités évangéliques, sous la conduite de Jésus-Christ, qui nous servira de guide. Afin que vous compreniez mieux mes explications, je vous engagerai fortement, suivant mon habitude, à lire d’avance en votre particulier le passage de la sainte Écriture que je dois vous expliquer. Ainsi la lecture servira de préparation à l’enseignement, comme il arriva à l’eunuque dont parlent les Actes et nous facilitera à nous-mêmes l’accomplissement de notre tâche. Sur notre route les questions vont se presser en foule les unes sur les autres. Considérez combien, dès l’entrée de l’Évangile, il se présente de difficultés à éclaircir ! Premièrement, d’où vient qu’on fait descendre la généalogie de Jésus-Christ par Joseph, qu’on sait n’être pas le père de Jésus-Christ ?
En second lieu comment peut-on connaître que le Sauveur vient de la tige de David, puisque les parents de Marie, sa mère, sont entièrement inconnus, et que cette généalogie de l’Évangile ne se tire point du côté de Marie ?
En troisième lieu, pourquoi l’Évangile rapporte-t-il la généalogie de Joseph qui est complètement étranger à la naissance de Jésus-Christ, sans se mettre en peine de rechercher les parents et les aïeux de la Vierge dont il était fils ?
Pourquoi tirant cette généalogie des hommes, y nomme-t-il aussi quelques femmes ?
Pourquoi en ayant nommé quelques-unes, ne les a-t-il pas toutes nommées ? Et pourquoi passant les plus saintes, comme Sara et Rébecca, et d’autres semblables, ne nomme-t-il que celles qui sont connues par quelque vice, comme par la fornication, par l’adultère, par des mariages illégitimes, ou par la qualité d’étrangères et de barbares à l’égard du peuple de Dieu ? Car l’Évangéliste parle de Ruth, de la femme d’Urie, et de Thamar, dont l’une était étrangère, l’autre une impudique, et l’autre une incestueuse, qui voulut concevoir de son beau-père, non selon la loi du mariage, mais par une surprise qu’elle lui fit sous l’habit d’une courtisane. Tout le monde sait quelle était la femme d’Urie, et l’adultère qu’elle commit avec David. Cependant l’Évangile, passant toutes les autres femmes, ne parle que de celle-ci dans cette généalogie. N’était-il pas raisonnable, si on voulait parler des femmes, de les nommer toutes, ou s’il n’en fallait nommer que quelques-unes, de choisir plutôt celles qui étaient recommandables par leur vertu, que celles qui étaient décriées pour, le dérèglement de leur vie ?
Il est donc aisé de voir combien ce commencement même est difficile, quoiqu’il paraisse clair à tout le monde, et même superflu à plusieurs, qui n’y voient autre chose qu’une liste de quelques noms propres.
Nous devons encore rechercher pourquoi l’on passe trois rois dans la suite de cette généalogie. Si l’on dit que c’est à cause de leur impiété, n’en devait-on pas aussi retrancher