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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/211

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mieux ressembler ? A celui qui ne pense qu’à amasser des richesses, ou à celui qui les emploie au soulagement des autres ? A celui qui acquiert de grandes terres, ou à celui qui se rend comme le port et l’asile des affligés ? A celui qui roule sur l’or, ou à celui qui est comblé de bénédictions ? N’est-il pas vrai que l’un ne paraît pas un homme, mais un ange descendu du ciel pour sauver les hommes : et que l’autre ne paraît pas un homme, mais un enfant, puisque tout le soin qu’il met à amasser de l’argent, n’est pas moins inutile que les jeux des enfants ? Que si c’est une folie à un tel homme de travailler ainsi à s’enrichir, quoique si légitimement, que sera-ce s’il joint encore l’injustice à cette folie ? Et si vous ajoutez de plus que tout le fruit de ce vain travail sera l’acquisition de l’enfer et la perte du paradis, qui pourra assez le plaindre et déplorer son malheur, soit durant sa vie soit après sa mort ?
10. Mais envisageons, si vous voulez, une autre espèce de vertu. Supposons un homme exerçant la souveraine puissance, imposant ses lois à tous, entouré de tout l’appareil de la majesté impériale : un héraut marche pompeusement devant lui, il a ceint le baudrier, insigne du pouvoir, des licteurs le précèdent, une cour nombreuse l’environne. N’est-ce pas là ce qu’on appelle être grand et heureux dans le monde ? mettons d’un autre côté un homme qui éclate en vertu, plein de douceur, d’humilité et de patience. Supposons qu’on le batte et qu’on l’outrage, qu’il l’endure sans peine, et qu’il bénit même ceux qui le maltraitent : lequel des deux vous paraît le plus estimable, ou celui qui est si superbe, ou celui qui est si humble ? N’est-il pas vrai que ce dernier paraît un ange plutôt qu’un homme, et que sa patience imite l’impassibilité de ces célestes esprits, et que l’autre enflé de gloire est semblable à un hydropique ? Que l’un paraît un sage véritable, et ressemble à un médecin spirituel, et l’autre à un enfant qui se rend ridicule, enflant ses joues, et se grossissant le visage ?
Car de quoi Êtes-vous fier, ô homme ? Est-ce parce que vous êtes monté sur un char magnifique, et traîné par des mulets ou par des chevaux ? Mais souvent on traîne aussi avec des chevaux le bois et les pierres. Est-ce parce que vous êtes superbement vêtu ? Mais comparez ce vain éclat avec celui de cet homme qui est orné de vertus, et vous verrez que vos ornements sont semblables à l’herbe séchée, et que cet homme au contraire est comme un arbre très agréable à la vue, et chargé d’excellents fruits. Ces habits dont vous vous, glorifiez, ne peuvent se défendre contre les vers ; et s’ils s’y engendrent une fois, toute leur beauté disparaîtra en un moment. Car les habillements superbes deviennent enfin la pâture des vers. L’or et l’argent viennent de la terre, et ils retourneront en terre. Celui au contraire qui est orné des vertus, a un vêtement que ni les vers ni la mort même ne peuvent corrompre. Car les vertus ne naissent point de la terre. Elles sont l’ouvrage du Saint-Esprit, et ainsi elles ne craignent point les vers. Ces vêtements se font dans le ciel, où les vers ni aucune espèce de corruption ne se trouvent point.
Mais je vous demande ce que vous croyez qu’on doive désirer davantage, d’être riche ou d’être pauvre ; d’être élevé en puissance, ou bien d’être sans honneur ; d’être dans les délices, ou dans la faim ? N’est-ce pas d’être dans l’honneur, dans les richesses et dans les délices ? Si vous voulez donc jouir solidement de ces biens, et ne vous pas contenter du nom et de l’apparence, renoncez à la terre et à tout ce qui y est, et élevez-vous vers le ciel. Car toutes les choses présentes ne sont qu’une ombre, mais les futures sont stables, solides et immuables. Chérissons ces biens, mes frères, et attachons-nous-y avec soin, afin que nous soyons délivrés des maux de la terre, et que, nous avançant vers le ciel, comme vers un port tranquille, nous y abordions chargés de richesses et du trésor de nos aumônes. C’est l’état où je souhaite que vous soyez, lorsque vous paraîtrez devant ce tribunal terrible, par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui est la gloire et l’empire dans tous les siècles des siècles, Ainsi soit-il.