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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/226

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C’est donc pour récompenser cette vive foi du centenier qu’il l’admire, qu’il le loue, qu’il le préfère à tout Israël, qu’il lui donne rang dans le royaume des cieux, et qu’il porte tout le monde à l’imiter. Et pour vous mieux faire voir que Jésus-Christ ne parlait de la sorte que pour exhorter les autres à la même foi, voyez avec quel soin un autre Évangéliste le marque : « Jésus se tournant vers ceux qui le « suivaient, leur dit : Je n’ai pas trouvé une si grande foi dans Israël même. » (Lc. 7, 9) Ainsi la foi consiste principalement à avoir une haute idée de la grandeur de Jésus-Christ. C’est ce qui nous ouvre le royaume des cieux, et qui nous devient une source de biens infinis.
Mais Jésus-Christ ne se contenta pas de louer seulement en paroles le centenier. Il voulut encore récompenser sa foi en guérissant son serviteur malade. Il lui promit un rang honorable dans son royaume, une couronne glorieuse, et les délices éternelles du paradis. Aussi je vous déclare que plusieurs viendront « d’Orient, et d’Occident, et auront leur place dans le royaume des cieux avec Abraham, Isaac et Jacob (11). Mais les enfants du royaume seront jetés dans les ténèbres extérieures. C’est là qu’il y aura des pleurs et des grincements de dents (12). » Après l’ascendant qu’il a pris sur l’esprit de ce peuple par ses grands miracles, il commence à lui parler avec une fermeté plus libre. Et pour faire voir-en même temps qu’il n’avait point usé de flatterie à l’égard du centenier, et qu’il représentait fidèlement la véritable disposition de son cœur, voyez ce qui suit « Et Jésus dit au centenier : Allez, et qu’il vous soit fait selon que vous avez cru (43). » Et aussitôt le miracle rendit témoignage à sa foi, et à ce qu’il avait dans le cœur. « Et son serviteur fut guéri à la même heure. » Il dit la même chose à la Syro-phénicienne : « O femme, votre foi est grande ! qu’il vous soit fait selon que vous avez cru, et sa fille fut guérie aussitôt. »(Mt. 15,28) Mais parce que saint Luc en rapportant ce miracle, y mêle quelques circonstances particulières, qui semblent contraires à ce que dit saint Matthieu, il sera bon de les expliquer.
Saint Luc dit que le centenier envoya les prêtres des Juifs à Jésus-Christ, pour le prier de venir chez lui, et saint Matthieu dit qu’il vint lui-même, et dit : « Je ne suis pas digne « que vous entriez chez moi. » Quelques-uns croient qu’il s’agit de deux hommes différents, mais qui ont beaucoup de rapport entre eux. Car les Juifs disent de l’un : « Qu’il leur avait bâti une synagogue, et qu’il aimait leur nation. » (Lc. 7,40) Et Jésus-Christ dit de l’autre : « Qu’il n’avait pas trouvé une aussi grande foi dans Israël même. » Jésus-Christ ne dit pas non plus au sujet du premier : « Que plusieurs viendraient de l’Orient et de l’Occident », d’où l’on peut croire qu’il était juif. Que dirons-nous à cela, mes frères, sinon que ce serait là sans doute la solution la plus commode, mais que la question est de savoir si elle est vraie. Car pour moi, je crois qu’en ces deux endroits, il n’est en effet parlé que d’un même homme.
Mais comment donc saint Matthieu lui fait-il dire : « Je ne suis pas digne que vous entriez chez moi (Lc. 7,10) », lorsque saint Luc dit, « qu’il l’envoya prier d’y venir ? » Il me semble que saint Luc nous veut apprendre deux choses ; la première, jusqu’où allait la flatterie des Juifs ; et l’autre, que les hommes qui se trouvent dans une grande affliction n’ont aucun conseil qui soit stable, mais qu’ils prennent tantôt l’un et tantôt l’autre. Car il est assez vraisemblable que le centenier ayant voulu venir lui-même trouver Jésus-Christ en personne, en fut empêché par les Juifs, qui s’offrirent de le faire, et de l’amener chez lui. Écoutez en effet le langage qu’ils tiennent à Jésus-Christ, langage plein de flatterie pour le centenier : « Il aime beaucoup notre nation », lui disent-ils, « et il nous a bâti une synagogue. » Ils ne savaient pas même la manière de le bien louer. Ils devaient dire de lui à Jésus-Christ : Il voulait vous venir trouver lui-même, mais nous l’en avons empêché à cause de l’affliction où il est, et du malade qui est comme un cadavre dans sa maison. Ils devaient représenter quelle était la grandeur de sa foi, et la haute idée qu’il avait de Jésus. Christ ; mais l’envie qu’ils avaient contre le Sauveur, leur fait dissimuler la foi de cet homme. Plutôt que de révéler la grandeur de Celui qu’ils viennent supplier, en publiant la foi de celui pour qui se fait leur démarche, ils aiment mieux envelopper d’ombres cette vive foi, au risque de compromettre le succès de leur mission. Car l’envie aune étrange force pour aveugler ceux qu’elle possède. Mais Dieu qui connaît le secret des cœurs, voulut leur