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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/231

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ôte encore ces considérations si puissantes, qui pourra retenir les hommes, et les empêcher de courir à leur perte en s’abandonnant à toute sorte de dérèglements ?
6. Reconnaissons donc, mes frères, l’artifice du démon qui nous parle par ces hérétiques. Souvenons-nous qu’ils combattent également les ordonnances des législateurs, les oracles de Dieu, les principes de la raison, et cette lumière que la nature même a imprimée dans tous les hommes, qui ne peut être effacée ni dans les Scythes, ni dans les Thraces, ni dans les esprits les plus barbares. Fuyons encore tous ceux qui enseignent qu’il y a un destin, et une nécessité inévitable qui gouverne toutes choses, et, pleins d’horreur pour tous ces mensonges, tenons-nous sur nos gardes, et marchons dans la voie étroite avec crainte et avec confiance ; avec crainte, parce que nous-sommes environnés de précipices de toutes parts ; et avec confiance, parce que Jésus est avec nous et est notre guide. Soyons circonspects et vigilants. Ne nous laissons point endormir, parce que si nous nous assoupissons tant soit peu, nous tomberons aussitôt dans le précipice.
Nous ne sommes pas plus parfaits que David, qui pour s’être laissé aller à une légère négligence, fut entraîné dans l’abîme du péché, d’où néanmoins il se releva bientôt. Ne considérez pas tant son péché que la manière dont il l’effaça. Dieu a voulu faire écrire cette histoire dans ses livres saints, non afin que vous voyiez, seulement comment tombe ce sage, mais afin que vous admiriez comment il se relève ; et que vous appreniez, lorsque vous serez tombé comme lui, à vous relever aussi comme lui. De même que les médecins traitent dans leurs livres des maladies les plus violentes et de la manière de les guérir, afin que l’expérience des cas les plus graves apprenne à traiter facilement les plus légers ; Dieu de même a fait marquer dans ses Écritures les plus grands péchés de ses saints, afin que ceux qui en commettent de moindres, apprennent, dans la manière dont les autres se sont guéris, comment ils doivent se guérir eux-mêmes. Car si des crimes si énormes ont bien pu trouver des remèdes, il y en aura sans doute encore bien plutôt pour des fautes beaucoup plus légères. Voyons donc quelle fut la maladie de ce saint homme, et comment il en fut guéri.
David tomba dans l’adultère, et à l’adultère il joignit l’homicide. Je ne crains point, mes frères, de publier hautement le crime de ce saint prophète. Si le Saint-Esprit n’a pas cru ternir sa mémoire en le faisant écrire dans l’histoire sainte, nous ne devons pas nous mettre en peine de le cacher. C’est pourquoi non seulement je vous rapporte ici sa chute, mais j’y ajouterai même les circonstances qui font le plus paraître l’énormité de son crime. Car il me semble que ceux qui tâchent de couvrir sa faute, obscurcissent sa plus grande gloire ; ils lui font le même tort que si dans le dénombrement de ses victoires, ils passaient sous silence son combat avec Goliath. Ce que je dis vous semble un paradoxe ; mais attendez un peu, et vous en reconnaîtrez la vérité. Je vous représenterai son crime dans toute sa grandeur, pour vous faire encore mieux connaître la grande vertu du remède qui l’a guéri.
Quelle circonstance ajouté-je donc pour mieux faire juger de son péché ? La vertu de cet homme, c’est là une circonstance aggravante. Car les fautes sont différentes selon la différence des personnes. « Les puissants », dit l’Écriture, « seront tourmentés puissamment. »(Sag. 6) Et ailleurs : « Celui qui connaît la volonté de son maître, et ne la fait pas, sera sévèrement châtié. » (Lc. 12) Ainsi celui qui a plus de connaissance et de lumière, sera plus puni que celui qui en a moins. C’est pourquoi lorsque l’évêque ou le prêtre commet les mêmes péchés que le peuple, ils sont plus coupables que les autres ; et quoique le péché soit égal, la peine néanmoins ne le sera pas.
Peut-être qu’en voyant grandir le crime sous ma parole vous craignez, vous tremblez, et vous vous demandez avec effroi comment j’éviterai le précipice où il vous semble que je marche à grands pas. Mais moi, j’ai tant de confiance au mérite de ce juste, que j’irai encore plus loin ; plus, en effet, j’exagérerai le crime de David, plus je multiplierai la matière de son éloge. Vous me demandez s’il y a quelque chose de plus que l’adultère et l’homicide ? Et voici ce que je vous réponds : Comme le meurtre que commit Caïn fut un crime plus grand que beaucoup de meurtres, parce qu’il ne tua pas simplement un homme, mais son propre frère ; qu’il ne tua pas celui dont il avait été offensé, mais celui qu’il avait offensé lui-même ; et qu’il ne suivit pas en cela