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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/242

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dont ils se trouveraient agités durant toute la suite de leur Vie. On les a vus depuis, battus par des tempêtes d’événements beaucoup plus fâcheuses que celle-là, sans que le Sauveur se soit mis en peine de les en tirer. C’est ce qui fait que saint Paul dit, en écrivant aux Corinthiens : « Je suis bien aise, mes frères, que vous sachiez l’affliction qui nous est survenue en Asie, parce qu’elle a été d’un poids excessif et au-dessus de nos forces, jusqu’à nous faire désespérer de sauver notre vie. » (2Cor. 1, 8) Et il dit encore au même endroit : « Dieu nous a délivrés d’un si grand péril de mort. » (Id. 10)
Pour apprendre donc ici à ses apôtres, que quelque grands que fussent les maux dont ils seraient accablés à l’avenir, ils devaient toujours conserver une grande fermeté de courage, et croire que Dieu ne permettait ces épreuves que pour leur bien, il commence par les reprendre aussitôt qu’il se réveille. Ce trouble même dans lequel il permet qu’ils tombent, leur devait être très avantageux, puisque le miracle leur en devait paraître plus grand, et que le souvenir en serait mieux imprimé dans leur mémoire. Quand Dieu veut faire quelque action extraordinaire, il ménage beaucoup de circonstances et d’accidents particuliers propres à graver fortement dans les esprits le souvenir de l’événement miraculeux, de peur qu’aussitôt qu’il sera passé on ne l’oublie. C’est ainsi qu’il permit que Moïse fût d’abord frappé d’horreur en voyant sa verge changée en serpent, afin qu’en sortant ensuite de cette épouvante, il admirât davantage ce prodige. C’est ce qui arrive ici aux apôtres. Dieu ne les sauve que lorsqu’ils se croyaient perdus ; afin qu’en se souvenant de la frayeur dont ils avaient été saisis et du péril dans lequel ils étaient, ils se souvinssent en même temps de la grandeur du miracle qui les en avait délivrés. C’était dans ce dessein que Jésus dormait. S’il eût été éveillé, peut-être que les disciples n’auraient pas eu peur, ou qu’ils n’auraient pas invoqué son aide, ou qu’i1s ne l’auraient pas cru assez puissant pour dissiper un tel danger. Il dort donc pour donner lieu la crainte de saisir leurs cœurs, et pour leur rendre ensuite ce miracle plus sensible. Nous ne voyons jamais si bien les miracles que les autres éprouvent, que ceux dont nous ressentons nous-mêmes les effets. Les apôtres voyaient à la vérité de nombreux miracles de guérison opérés tons les jours sur d’autres personnes, mais comme ces miracles ne les touchaient pas personnellement, il pouvait arriver qu’ils les laissassent indifférents. Comme ils n’étaient ni boiteux, ni atteints d’aucune autre infirmité corporelle, et qu’il était néanmoins utile qu’ils ressentissent personnellement la bonté et la puissance de leur Maître, Jésus-Christ permet la tempête puis il les en délivre, leur imprimant ainsi un plus vif sentiment de sa bienfaisance. Le Sauveur fait ce miracle loin de la foule pour n’avoir pas à condamner publiquement le manque de foi de ses disciples ; il les en reprend, mais en particulier et lorsqu’ils sont seuls avec lui ; avant même de calmer la tempête qui agitait les eaux, il apaise par la réprimande celle qui troublait leurs âmes.
Jésus leur répondit : « Pourquoi Êtes-vous ainsi timides, ô hommes de peu de foi ? Et se levant ensuite, il parla avec empire aux vents et à la mer, et il se fit un grand calme (26). » Jésus-Christ nous apprend par ce reproche que la crainte et le trouble ne viennent point des maux ni des tentations par elles-mêmes, mais de la faiblesse de nos âmes et de notre peu de foi. Et si quelqu’un m’objecte que ce n’était point une marque de faiblesse dans les apôtres, mais plutôt une preuve de leur grande foi de s’adresser ainsi à Jésus-Christ et de le réveiller pour lui demander du secours,.. je lui répondrai que les apôtres montraient qu’ils n’avaient pas encore une juste idée de la puissance de leur Maître, par cela même qu’ils ne le croyaient pas assez puissant pour apaiser la tempête à moins qu’il ne fût éveillé.
Et ne vous étonnez pas de l’imperfection qu’ils montrent ici, puisque vous la retrouverez encore plus tard en eux lorsqu’ils auront été témoins de beaucoup d’autres miracles. C’est ce qui leur attirera tant de réprimandes du genre de celle-ci : « Êtes-vous donc encore, vous aussi, sans intelligence ? » (Mt. 15,16) Et si les disciples eux-mêmes étaient si imparfaits, ne nous étonnons pas, mes frères, que le peuple n’eût pas des pensées plus relevées du Fils de Dieu. Car les disciples étaient dans l’étonnement et disaient : « Quel est cet homme-ci à qui les vents et la mer obéissent (27) ? »
2. Cependant Jésus-Christ ne les reprend point de ce qu’ils ne le regardent encore que comme un homme ; et il attend sans impatience que le grand nombre de ses miracles