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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/243

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les persuade eux-mêmes de la fausseté de leurs pensées. Que si vous me demandez pourquoi ils le regardaient toujours comme un homme ordinaire, je vous répondrai que c’est à cause de tout ce qui paraissait en lui au-dehors, de ce qu’il donnait comme nous, et qu’il se servait d’un vaisseau, pour passer la mer. C’est ce qui jetait leurs esprits dans le trouble et dans la confusion à son sujet. Le sommeil où ils le voyaient et tout ce qui paraissait en lui, faisait voir que ce n’était qu’un simple homme ; mais cette tempête si divinement, calmée montrait qu’il était Dieu. Et si Moïse autrefois commanda aussi à la mer, ce qu’il fit ne sert qu’à montrer la supériorité de Jésus sur lui. Car Moïse agissait en serviteur, mais Jésus-Christ commandait en maître. Il n’étend point sa verge comme Moïse, il ne lève point comme lui les mains au ciel, il n’use point de prières. Il agit souverainement en créateur qui se fait obéir de sa créature, et comme un ouvrier qui dispose de son ouvrage selon qu’il lui plaît. Il calme par une seule parole l’agitation de la mer et il lui impose comme un frein pour dompter ses flots. Il fait succéder tout d’un coup le calme à la tempête, sans qu’il en reste la moindre trace, ce que l’Évangéliste marque par cette parole : « Et il se fit un grand calme. »
Jésus-Christ fait dans ce miracle ce que l’Écriture admire comme un rare prodige dans le Père dont il est écrit : « Il a parlé et la tempête s’est arrêtée. » (Ps. 106,20) C’est exactement ce que l’on dit ici de Jésus-Christ.: Il parle et « il se fait aussitôt un grand calme. » Voilà ce qui causait à la multitude une si extraordinaire admiration ; et certainement cette admiration eût été – moindre si Jésus avait opéré comme Moïse.
Lorsque Jésus-Christ eut quitté la mer, il fit voir un autre miracle encore plus terrible.
Deux démoniaques, en le voyant, furent saisis de frayeur comme des esclaves fugitifs qui aperçoivent leur Maître. Écoutons l’Évangile : « Jésus ensuite étant passé à l’autre bord, dans le pays des Géraséniens, il vint au-devant de lui deux possédés sortant des tombeaux ; ils étaient si furieux que personne n’osait passer par ce chemin-là (28). Et ils commencèrent à crier : Jésus, Fils de Dieu, qu’y a-t-il de commun entre vous et nous ? Êtes-vous venu ici pour nous tourmenter s avant le temps (29) ? » Pendant que le peuple regarde Jésus-Christ comme un « homme », les démons viennent publier qu’il est « Dieu ». Et ceux qui n’avaient pas entendu la voix de cette mer agitée d’abord, puis tout d’un coup calmée, entendirent les démons répéter à haute voix et distinctement ce que la mer avait déjà proclamé si haut par son subit apaisement. Et afin que ces paroles des démons ne parussent point une flatterie, ils en font voir tout d’abord la vérité, en avouant ce qu’ils souffrent : « Êtes-vous venu ici », disent-ils, « pour nous tourmenter avant le temps ? » Ils déclarent d’abord qu’ils sont ses ennemis, afin que la prière qu’ils lui feraient ensuite ne parût point une chose concertée. Ils étaient invisiblement tourmentés ; Ils sentaient des agitations plus grandes que celles des flots de la mer. La présence de Jésus-Christ les brûlait au dedans d’eux-mêmes et leur faisait souffrir des maux effroyables.
Comme personne n’osait amener ces possédés à Jésus-Christ, il les va trouver lui-même. Saint Matthieu marque seulement qu’ils dirent à Jésus-Christ « Êtes-vous venu ici pour nous tourmenter avant le temps ? » Mais les autres Évangélistes ajoutent : « Qu’ils le priaient et le conjuraient de ne les point jeter dans l’abîme. » Car ils crurent que le temps marqué pour leur supplice était venu, et ils furent saisis de crainte, se croyant près d’être précipités dans l’enfer. Que si saint Luc ne parle que d’un possédé, tandis que saint Matthieu parle de deux, ce n’est point une contradiction. Si saint Luc assurait formellement qu’il n’y en avait qu’un et qu’il n’y en avait point d’autre avec lui, ce serait alors qu’il combattrait ce que saint Matthieu a dit. Mais lorsqu’un Évangéliste ne parle que d’un possédé et qu’un autre parle de deux, ce n’est plus se contredire, mais rapporter différemment une même histoire. Il me semble que saint Luc ne parle que d’un, parce qu’il avait dans l’esprit le plus violent de ces possédés. C’est pourquoi il s’arrête à décrire ce malheur d’une manière plus tragique, et rapporte que brisant toutes les chaînes dont on le « voulait lier, il errait dans les déserts. » Saint Marc ajoute : « Qu’il se frappait à coups de pierres. » Mais les seules paroles de ces possédés suffisent pour faire voir leur cruauté et leur impudence : « Êtes-vous venu pour nous punir avant le temps ? » disent-ils. Ne pouvant pas dire qu’ils n’ont pas péché, tout ce qu’ils demandent, c’est qu’ils ne soient point