Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/252

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

prouvant l’une qui était invisible, par l’autre qui était manifeste aux yeux de tous.
Cependant l’âme de ces hommes rampe encore à terre, car l’Évangéliste ajoute : « Le peuple voyant cela, fut rempli d’admiration et rendit gloire à Dieu, de ce qu’il avait donné une telle puissance aux hommes (8). » Après ce grand miracle, il regarde encore Jésus-Christ comme un « homme. » La chair dont il s’était revêtu les empêchait de le regarder comme un Dieu. Cependant Jésus-Christ ne leur reproche point leur peu d’intelligence. Il tâche seulement de les exciter de plus en plus, et d’élever leurs pensées par la sublimité de ses œuvres. C’était déjà beaucoup qu’ils le regardassent comme le plus grand de tous les hommes, et comme étant venu de Dieu. Cette opinion, une fois bien enracinée dans leurs esprits, pouvait peu à peu les conduire plus avant, et leur faire croire qu’il était véritablement le Fils de Dieu. Mais ils n’y demeurèrent pas fermes. Leur inconstance fut cause qu’ils ne purent s’élever plus haut, et qu’ayant changé de sentiment, ils dirent : « Cet homme n’est point de Dieu. Comment cet homme pourrait-il être de Dieu ? » (Jn. 7,20) Ils redisaient continuellement ces paroles pour se faire un prétexte à leur infidélité et à leurs passions secrètes. C’est l’état, mes frères, où tombent aujourd’hui ceux qui, sous prétexte de venger l’honneur de Dieu, se vengent eux-mêmes et satisfont leur animosité particulière, au lieu que des chrétiens devraient se conduire en tout avec douceur et modération. Dieu même, qui est si fort offensé par les blasphèmes de ses créatures, et qui pourrait les anéantir d’un coup de foudre, « fait néanmoins lever son soleil sur ces ingrats, et tomber sa pluie sur eux », et il les comblé de mille biens. Imitons, mes frères, ce grand modèle envers ceux qui nous offensent. Exhortons-les, avertissons-les, excitons-les, témoignons-leur une extrême douceur, sans nous laisser jamais emporter. Pourquoi les blasphèmes lancés contre Dieu vous jettent-ils dans l’impatience ? il est hors d’atteinte à tous ces outrages. L’impiété ne nuit qu’à l’impie ; les traits qu’il lance ne blessent que lui. Pleurez-le donc, répandez des larmes sur son malheur, puisqu’il mérite qu’on le pleure, et qu’il n’y a point de remède plus souverain pour guérir ces sortes de plaies que la douceur et la patience, car la douceur est plus efficace que toute la violence dont on userait.
Considérez de quelle manière Dieu même, qui est l’offensé, parle dans l’Ancien et dans le Nouveau Testament. Il dit dans l’Ancien : « Mon peuple ; que vous ai-je fait ? » (Mic. 6,3) Et dans le Nouveau : « Saul, Saul, pourquoi me persécutez-vous ? » (Act. 9,4) Aussi ce même apôtre recommande-t-il ensuite de reprendre avec douceur nos adversaires. Jésus-Christ lui-même, lorsque ses disciples lui demandaient que le feu tombât du ciel sur une ville, leur fit une sévère réprimande, et leur dit : « Vous ne savez de quel esprit vous êtes. » (Lc. 9,55) Nous n’entendons de même ici aucune injure sortir de sa bouche, il ne dit pas aux pharisiens : O hommes exécrables, ô funestes charlatans, cœurs affligés par l’envie, ennemis du salut du monde ; mais seulement : « Pourquoi donnez-vous entrée à de mauvaises pensées dans votre cœur ? »
Il faut donc traiter avec une grande douceur les maladies de nos frères, parce que celui qui ne se retire du vice que par une crainte purement humaine, y retombera bientôt. Ce fut pour cette raison que Jésus-Christ défendit d’arracher l’ivraie de son champ, voulant par cette patience donner lieu à la pénitence des hommes. On a vu quelquefois par ce moyen des pécheurs touchés d’un profond regret, et de corrompus devenir très vertueux. Saint Paul, le publicain, le bon larron, ont été de ce nombre. Ce n’était d’abord que de l’ivraie, et ils furent changés ensuite en excellent grain. Les semences de la terre ne sont point susceptibles de ce changement ; mais les dispositions des hommes peuvent être ainsi changées. Car la volonté n’est point liée ni assujettie aux lois inviolables de la nature ; et Dieu l’a honorée du don de la liberté.
Lors donc que vous voyez quelque ennemi de la vérité, faites tous vos efforts pour le guérir ; ménagez-le, tâchez de l’attirer au bien, exhortez-le à la vertu, montrez-lui l’exemple d’une vie pure, parlez-lui d’une manière édifiante ; témoignez-lui dans tous ses besoins une charité parfaite. Tentez toutes sortes de voies pour le ramener à la santé. Enfin imitez en cela les plus habiles médecins du corps : ils ont divers remèdes pour guérir leurs malades. Sils pausent une plaie, lorsque ce qu’ils y ont mis d’abord ne réussit pas, ils y appliquent un nouveau remède, et passent ainsi de l’un à